SERENA, de Ron Rash

Livre
Bien
Très bien
Un Must
Noir Appalaches

Le pitch

Serena porte bien mal son nom. Cette maîtresse femme plus satanique que romantique, sans foi ni loi, sévit dans les Smoky Mountains de Caroline du Nord, dans les années 30. Avec son mari George Pemberton, ils forment un couple de prédateurs mégalos prêts à tout (vraiment tout) pour faire fortune.

Un drame élisabéthain sur fond de Dépression, de crise financière et de capitalisme débridé. Une fresque magnifique sur l’exploitation des ressources naturelles au début du XXe siècle et le déboisement des forêts primaires. Un grand roman sur l’Amérique de la Grande Dépression et un récit exceptionnel sur l’avidité et la revanche. Rédigé avec une verve épique, dans un style élégant, doté d’une grande force d’évocation, qui laisse forcément sous le choc.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car Ron Rash est un écrivain de grand chemin, un merveilleux conteur et l’un des grands noms du roman noir américain, poète de la perte, romancier des ­relations filiales et des amours brisées. Un narrateur hors pair d’histoires sauvages imprégnées de réalisme et de poésie cruelle. Pour prendre la mesure d’une Amérique post krach boursier de 1929 ; un monde sans pitié qui ploie sous les fléaux : humains, sociaux, politique, écologiques. Car Serena est un personnage immense, abject, fascinant. Et pour ses autres personnages, estropiés, mutilés, couturés à l’âme.

POUR SERENA. Un personnage inoubliable. Amazone en pantalon et cheveux courts, un aigle perché sur le bras, elle règne sur les forêts des Great Smocky Mountains, en Caroline du Nord. Rebelle, séductrice, impitoyable. C’est une garce, ou une femme libre. Au choix. On ne saurait identifier ce qui nourrit sa quête absolue de réussite. Une ambition démesurée ? Une soif de revanche ? Un peu des deux ? Elle inspire la peur, le respect, le désir. Avec son mari George Pemberton, riche exploitant forestier aussi arriviste et expéditif qu’elle, ils forment un couple aussi hideux que fascinant. Guidé par le sexe, le pouvoir et l’argent, le couple n’a de cesse d’accroître son territoire et son pouvoir par tous les moyens – intimidation, corruption, meurtres. Un monstre à deux têtes qui ne laisse derrière lui que mort, carnage et désolation. Telle une Lady Macbeth du Nouveau Monde, c’est Serena qui pousse Pemberton à étendre son empire forestier et qui châtie les imprudents qui se dressent sur leur chemin. Serena plie le monde à sa volonté, ne reconnaissant ni les conventions sociales ni les interdits moraux : « Nous sommes au-dessus de tout ça, toi et moi. »

UNE MONDE SANS PITIÉ. Serena déploie son intrigue aux lendemains de la crise financière de 1929 qui a mis sur les routes des hordes de pauvres à la recherche du moindre travail. Dans cette Amérique en faillite, les Pemberton imposent leur loi, traitent leurs ouvriers, des bûcherons, comme des esclaves. Des sacrifiés. Des pions sur un échiquier qui se remplacent d’un claquement de doigt. Car la vie d’un homme vaut moins que rien. L’auteur porte en lui le Sud des États-Unis et après Un pied au paradis (2002) et Une terre d’ombre (2012), il persiste et signe à décrire son pays, la Caroline du Nord (où, né en 1953, il a grandi) de façon magistrale pour dénoncer l’industrialisation à outrance qui tue les hommes et fait des ravages sur l’environnement. Massacre des forêts, mise à sac des collines laissant la terre à nue, écorchée vive. Un combat sans fin du Mal contre le Bien. La justice contre l’argent, la dignité contre l’avilissement. Ou la vie contre la mort. Une société paysanne heurtée de plein fouet par la Grande Dépression et la puissance d’un capitalisme sans scrupules que la crise a encore rendu plus impitoyable. Ainsi ne s’offre qu’un choix cornélien aux habitants de ces montagnes. Survivre en détruisant la nature grâce à laquelle ils ont jusqu’alors vécu. Ou crever de faim au milieu d’un parc national sauvegardé.

UNE NARRATION ÉPOUSTOUFLANTE. Ron Rash propose une tragédie grecque en version sauvage. Où les personnages de tyrans sont des bandits de la finance, en guerre contre tout humain résistant, désireux d’effacer de la terre toute trace d’innocence. Dans un style épique, imprégné de réalisme avec des passages d’une grande poésie, Ron Rash arpente les turbulences humaines d’une encre noire et désespérée.  Sa narration électrique nous fait vivre mille épreuves dans ce drame qui peut nous projeter dans un même élan de la perfidie à la grâce. Et c’est avec fascination que nous nous laissons guider par ce merveilleux conteur, barde des Carolines, qui fait du paysage son personnage principal.

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Serena a été adapté :

-en BD par Anne-Caroline Pandolfo (scénario) et Terkel Risbjerg (dessin et couleur). Editions Sarbacane (2018).

– en fil par Susanne Bier (2014). Avec Jennifer Lawrence, Bradley Cooper, Rhys Ifans.

Ron Rash est l’auteur de nombreux romans noirs, en sus de recueils de nouvelles et de poésie.

  • Un pied au paradis, Le Masque, 2009 (One Foot in Eden, 2002), trad. Isabelle Reinharez
  • Le Chant de la Tamassee, Seuil, coll. « Cadre vert », 2016 (Saints at the River, 2004), trad. Isabelle Reinharez
  • Le Monde à l’endroit, Seuil, coll. « Cadre vert », 2012 (The World Made Straight, 2006), trad. Isabelle Reinharez
  • Une terre d’ombre, Seuil, coll. « Cadre vert », 2014 (The Cove, 2012), trad. Isabelle Reinharez
  • Un silence brutal, Gallimard, coll. « La Noire », 2019 (Above the Waterfall, 2015)
  • Par le vent pleuré, Seuil, coll. « Cadre vert », 2017 (The Risen, 2016), trad. Isabelle Reinharez
  • Plus bas dans la vallée, Gallimard coll. « La Noire », 2022 (In the valley, 2020), Isabelle Reinharez

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Nos vies en flammes, de David Joy (When These Mountains Burn, 2020). Traduit de l’Américain par Fabrice Pointreau (Sonatine, 2022).