CORRESPONDANT 17, d'Alfred Hitchcock

Film
Bien
Très bien
Un Must
Comédie d’espionnage

Le pitch

Johnny Jones, jeune journaliste américain au New York Globe, est envoyé en Europe en 1939 pour évaluer l’éventualité d’une Seconde Guerre mondiale. Un film d’espionnage et de propagande (drôle et subtil !) filmé par le maître Hitchcock en pleine Deuxième Guerre mondiale, avant l’engagement américain. Où le suspense le dispute à la fantaisie. Avec en sus l’ombre de La mort aux trousses. Et quelques scènes d’action et de catastrophe absolument bluffantes. À (re)découvrir en famille !

Pourquoi je vous le conseille ?

Car ce film méconnu de la période américaine de Hitchcock (le 2ème après Rebecca mais qui ressemble plus aux films britanniques antérieurs qu’à ses futurs chefs-d’œuvre hollywoodiens) est pourtant loin d’être mineur. Parce qu’au-delà de l’histoire d’espionnage, Correspondant 17 comporte un message politique, militant pour une implication des Etats-Unis dans la guerre qui venait d’éclater. La scène finale en est la preuve. Car cette œuvre de propagande n’en n’est pas moins subtile, drôle et remarquablement mise en scène. Pour l’équilibre justement trouvé par le maître entre intensité dramatique, suspense et comédie. Car ce Hitchcock facétieux sur fond de guerre mondiale nous donne encore une belle leçon de cinéma.

UN FILM ENGAGÉ. Réalisé en 1940, le film répond à une urgence : sensibiliser l’opinion américaine au drame qui se noue actuellement de l’autre côté de l’Atlantique. Récemment installé à Hollywood, Hitchcock est plus que sarcastique avec ses nouveaux concitoyens, indifférents au conflit européen. Un film facétieux où les journalistes sont présentés comme des incapables, grandes gueules, très peu professionnels et qui ne prennent pas la mesure des événements. Johnny Jones (Joel McCrea) est ainsi ce jeune journaliste inexpérimenté (il est censé poser un regard vierge sur les événements) qu’on envoie comme correspondant en Europe pour sonder le terrain et suivre au plus près l’évolution du conflit. Il a la lourde responsabilité de représenter l’Américain moyen, largement ignorant du drame qui se noue de l’autre côté de l’Atlantique.  Mais, tout en réalisant un film politique, Hitchcock s’amuse surtout avec un scénario abracadabrant : « Je n’ai pas permis à la vraisemblance de montrer sa ­vilaine tête. »

HUMOUR ET FANTAISIE. Notre héros en verra des vertes et des pas mûres.  Le film utilise le thème hitchcockien du héros naïf plongé dans les méandres d’une intrigue où tout est faux-semblants et mensonges. Dans son programme chargé on trouvera une course-poursuite périlleuse contre des moulins à vent, l’infiltration d’une douteuse organisation politique en faveur de la paix, une rencontre amoureuse, une balade en avion à haut risque, un faux enlèvement… Hitchcock utilise en outre le fameux McGuffin, à savoir une information secrète, prétexte aux agissements des personnages et aux péripéties du scénario. Mon tout est mené tambour battant grâce à un scénario jonglant avec élégance entre le suspense et l’absurde, sans jamais minorer le drame historique qui se noue en toile de fond.

UNE MISE EN SCÈNE BRILLANTE. Rarement cité dans la liste des meilleurs Hitchcock qui lui seront postérieurs (L’Ombre d’un douteL’Inconnu du Nord-ExpressSueurs froidesPsychose…), Correspondant 17 n’est pourtant pas en reste et comporte au moins deux scènes éblouissantes, d’une grande audace formelle, réalisées en studio (à Londres, en Hollande ou en pleine mer). Je ne vais pas tout divulgâcher, mais si je vous dis course-poursuite dans une plaine batave semée de moulins à vent, vous penserez bientôt comme beaucoup que cette scène préfigure celle de l’avion dans La mort aux trousses (North by Northwest, 1959). Un homme, une plaine, une très lointaine ligne d’horizon et de cette tranquillité trop évidente se manifeste un détail, un danger. L’impuissance des personnages face au danger est encore plus évidente dans l’autre scène mémorable du film, celle du crash aérien où le réalisateur fait preuve d’un réalisme saisissant et d’une maîtrise savoureuse des effets spéciaux. Hitchcock ose le grand spectacle, enchaîne les moments de bravoure et les scènes de fantaisie pure avec un dilettantisme très travaillé. Et s’il ne lésine pas sur les effets photographiques et les maquettes, Hitchcock n’oublie pas que l’exotisme et le dépaysement sont surtout affaires de familiarité et utilise les plus banals clichés pour fabriquer des gags et du suspense. Ainsi, Londres est immédiatement associée au port du chapeau melon (Joel McCrea a égaré le sien) et à Big Ben. La Hollande, à la pluie et aux moulins à vent (si Correspondant 17 avait été en couleurs, confesse Hitchcock à Truffaut, il aurait filmé un champ de tulipes rouges). Enfin, d’aucuns reconnaîtront le clin d’œil à une scène culte du cinéma, l’escalier d’Odessa du Cuirassé Potemkine, chef-d’œuvre d’Eisenstein.

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La fiche

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Dans la filmographie d’Hitchcock, tout est bon, voire très bon, voire culte. À choisir parmi les thématiques qui sont dans la même veine que La Mort aux trousses, on citera des films d’espionnage, et notamment ceux tournés par Hitchcock dès 1935, lors de sa « période anglaise ». Sans oublier de temps à autre la pointe d’humour British qu’on aime tant.

  • Les 39 marches (The 39 steps, 1935). Avec Robert Donat, Madeleine Carroll, Lucie Mannheim. Un homme recherché pour le meurtre d’une Mata-Hari est poursuivi par un groupe d’espions nazis, mais aussi par la police britannique.
  • Jeune et innocent (Young and Innocent, 1937). Avec Derrick de Marney, Nova Pilbeam, Percy Marmont. Charmant film où un jeune auteur injustement accusé doir prouver son innocence, avec la complicité de la fille du commissaire chargé de l’enquête.
  • La Cinquième colonne (Saboteur, 1949). Avec Robert Cummings, Priscilla Lane, Otto Kruger. En 1940, un ouvrier américain est accusé d’avoir saboté une usine d’armements. Aidé d’une jeune femme, il parcourt les Etats-Unis pour démasquer le véritable coupable, un agent nazi. Amour, faux coupable, traque à travers le pays : les classiques ingrédients hitchcockiens sont bien présents.
  • Les Enchaînés (Notorious, 1948). Avec Cary Grant, Ingrid Bergman, Claude Rains. Double jeux, amour et espionnage. Parmi les classiques du maître.

Blow up sur Arte. Alfred Hitchcock en 8 minutes : une émission qui permet d’avoir une vision synthétique de l’œuvre d’Alfred en 8 minutes chrono.

Parmi la foultitude d’œuvres dédiées à Hitchcock, je recommanderais entre autres :

  • Hitchcock/Truffaut, ou Le Cinéma selon Alfred Hitchcock, ou encore surnommé le « Hitchbook ». Un livre d’entretiens entre deux monuments du cinéma, paru en 1966 aux éditions Robert Laffont.
  • Hitchcock. Biographie, filmographie illustrée, analyse critique. Livre de Patrick Brion. Editions de la Martinière.
  • Hitchcock, la totale (2021). Les 57 films et 20 épisodes TV expliqués et décryptés pour mieux comprendre comment le Maître a définitivement marqué l’histoire du cinéma. Monographie de Bernard Benoliel, Gilles Esposito, Murielle Joudet, Jean-François Rauger.