LE TROISIÈME HOMME, de Carol Reed

Film
Bien
Très bien
Un Must
Nuit des morts vivants

Le pitch

Dans la Vienne de l’après-guerre, occupée par les troupes alliées mais divisée par la guerre froide, en proie à la misère, aux trafics en tous genres et à la paranoïa. Un écrivain (raté bien sûr et un chouïa alcoolique) débarque dans la ville en ruines pour retrouver son vieil ami Harry qui lui a promis un travail. Mais pas de Harry à la gare. Ni chez lui…  La célèbre musique d’Anton Karas. Une poursuite mémorable dans les égouts. La confrontation décisive dans une grande roue de fête foraine. Un film noir écrit par Graham Greene, témoignage exceptionnel d’une civilisation engloutie par une guerre qui enfantera de nouveaux monstres.

Pourquoi je vous le conseille ?

Pour la cithare ironique et iconique d’Anton Karas, illustre inconnu avant que Reed ne le croise dans une taverne viennoise. Pour deux scènes cultes que tout bon cinéphile doit garder dans sa besace. Pour le somptueux noir et blanc, les cadrages de travers, le magnétisme de Welles, l’ironie et l’humour feutrés tous britanniques qui affleurent sous le drame. Car c’est un excellent film noir d’atmosphère dont le décor postapocalyptique dénonce à lui seul l’absurdité inhumaine de la guerre.

UN FILM NOIR ? Le troisième homme égrène un bon nombre de ses codes parmi les plus clichés. Manteau et feutre gris, rencontres douteuses dans un cadre urbain, rues glauques un soir de pluie, confrontations viriles et trahisons diverses, dangers mortels et révélations atterrantes. Angoisse et pessimisme en fil rouge… Mais en les inscrivant dans un cadre européen, après Auschwitz et Hiroshima, Carol Reed choisit de s’en démarquer en proposant un nouveau monde déshumanisé et glaçant. Un monde de duplicité et de mensonge, où même les morts mentent. Bienvenue dans l’ère des monstres froids, intelligents, fascinants par l’ampleur de leur cynisme. Carol Reed offre ainsi un nouveau visage au Mal né de la guerre, comme le remarquait le cinéaste Philippe Le Gay à Michèle Halberstadt sur France Culture : « En 1949, au sortir de la guerre, Carol Reed et Graham Greene proposent une figure de méchant qui n’est pas un nazi mais un américain séduisant : Orson Welles. »          

VIENNE SOUS INFLUENCE IMPRESSIONNISTE. Reed et son chef opérateur Robert Krasker profitent de Vienne, personnage central, comme d’un immense terrain de jeux, voire d’expérimentations, sous forte influence expressionniste. Profondeur de champ, lumières vives, ombres immenses, contrastes saturés, photographie fantomatique traitée dans un noir et blanc somptueux accentuant les contrastes dans un jeu constant d’ombres et de contre-jours.… Ils multiplient les trouvailles avec notamment un usage récurrent de l’angle oblique, à l’origine d’une sorte d’image penchée qui amplifie le malaise ambiant. Avec aussi une magnificence des gros plans, dans un esprit proche du formalisme russe (les visages accusateurs en gros plan, très Eisenstein…). Une audace dans le choix des cadres enfin. Entre ruines, pavés luisants et égouts, la photogénie de la capitale autrichienne réhaussée encore par le talent de notre duo, contribue indéniablement à la force de certaines scènes devenues mythiques (la grande roue, les égouts, l’apparition de Welles dans un rai de lumière…). Quel décor extraordinaire procure cette ville marquée par les ravages de la guerre et dont les charmes obscurs et ténébreux opèrent singulièrement, encore et toujours.

LE MAGNÉTISME DE WELLES. Il prend soin d’attendre le milieu du film pour faire une apparition théâtrale. Sa rareté à l’écran, dans trois scènes en tout et pour tout, finira par laisser une empreinte plus profonde dans l’esprit des spectateurs que tout autre personnage, surtout et y compris notre écrivaillon, antihéros pourtant interprété par un très bon Joseph Cotten. Qu’il est ardu de rivaliser avec une légende qui n’aura été présente qu’une semaine sur le tournage, jouant les filles de l’air quitte à se faire doubler dans beaucoup de scènes. Pourtant sa prestation restera dans les esprits comme la plus décisive. La plus mémorable. Le troisième homme de l’affiche devenant avec le temps le véritable moteur du film, à tort ou à raison. Certains cinéphiles persistent encore aujourd’hui à gonfler son implication, jusque dans la réalisation des séquences les plus réussies, au détriment de Carol Reed. Reste la paternité de la réplique qu’on peut lui attribuer sans l’ombre d’un doute plutôt qu’à Graham Greene, et qui encapsule, dans une suavité effrayante, le cynisme abyssal de son personnage. « L’Italie des Borgia a connu trente ans de terreur, de sang, mais en sont sortis Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité et cinq cents ans de démocratie. Et ça a donné quoi ? Le « coucou » ! ».

LE GROS PLUS. La musique ! Atypique voire incongrue, elle est l’œuvre d’Anton Karas… Un joueur de cithare inconnu au bataillon et très très loin des valses auxquelles on aurait pu s’attendre dans la ville de Johan Strauss.  Un son populaire et modeste, obsédant et ironique, plus approprié aux ruelles et à la déchéance, jouant d’un contraste savoureux avec la tension dramatique des événements. Une mélodie au succès planétaire aujourd’hui encore indissociable du film de Carol Reed. Un véritable coup de génie, artistique et publicitaire.

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La fiche

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Pour en savoir plus sur ce film majeur/ France Culture. La culture change le monde. Le 3ème homme

Mmmmh. J’avoue que c’est le seul film de Carol Reed que je connaisse dans sa (courte) filmo.

La soif du mal (Touch of Evil, 1958). Film d’Orson Welles avec Charlton Heston, Janet Leigh, Orson Welles. A Los Robles, ville-frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, un notable meurt dans un attentat. L’enquête qui s’ensuit oppose deux policiers : Vargas, haut fonctionnaire de la police mexicaine, en voyage de noces avec sa jeune épouse américaine, Susan, et Hank Quinlan, peu amène vis-à-vis de ce fringant étranger. Dès lors, le couple est et les pressions exercées sur eux ne cessent d’augmenter.