LE GRAND SOMMEIL, de Raymond Chandler

Pour l’atmosphère enfumée, ses détectives intègres et  rebelles, ses femmes fatales et ses intrigues compliquées. Pour voir naître Philippe Marlowe dans ce roman sorti en 1939 et qui révolutionnera le genre. Pour cet auteur absolument incontournable.

LA QUINTESSENCE DU ROMAN NOIR. Raymond Chandler a révolutionné le genre policier pour faire naître le roman noir. Pierre Lemaître dans son Dictionnaire amoureux du polar remarque très justement : « Ses romans ressemblent à des déambulations avec des bagarres au milieu. » Donc si vous cherchez avant tout une intrigue bien ficelée, passez votre chemin. Mais si vous recherchez des romans atmosphériques, au charme fou des années 40 telles qu’on peut les fantasmer, situées dans une mythique Los Angeles grignotée par la corruption des élites et des politiques, vous êtes au bon endroit.

MARLOWE, MÈTRE ÉTALON DU PRIVÉ. Ni brute, ni bête, Philippe Marlowe est un cow-boy désabusé et alcoolique, très attaché à certaines valeurs morales, envers et contre tout. Cela le met dans des situations impossibles où ses sentiments viennent semer la confusion au milieu de l’enquête. D’ailleurs, la solution de l’intrigue n’a souvent que peu d’importance, même s’il a dû batailler ferme pour y arriver.  Un anti-héros donc, mais diablement attachant, intuitif et volontaire, toujours prêt à tomber sous le charme d’une femme fatale, une bouteille de whisky au fond de la poche. Un archétype magnifique.

UN STYLE DRÔLE ET CONCIS. Chandler était un intellectuel (forgé par des études de grec et latin en Angleterre) tombé tardivement dans la marmite de l’écriture, à l’âge avancé de 45 ans. Il a toujours souffert d’un manque de reconnaissance en tant qu’homme de lettres, estimant le roman policier « vulgaire », alors même qu’il lui assurait sa belle célébrité. Faisons fi de ces paradoxes et apprécions sa plume. Un style précis reconnaissable à sa grande économie de moyens, son sens de l’humour. Sans oublier un vrai talent de dialoguiste. Rien à envier donc à la littérature blanche. Bien au contraire.