DONBASS, de Benoît Vitkine

Livre
Bien
Très bien
Un Must
BLUES CARABINÉ

Le pitch

Correspondant du « Monde » à Moscou, auréolé du prestigieux Prix Albert Londres en 2019 pour sa couverture de la guerre en Ukraine, Benoît Vitkine nous offre avec Donbass un premier roman inspiré par son expérience. Un vrai roman noir aussi ne vous y trompez pas, avec des meurtres d’enfants perpétrés dans une petite ville, Avdiïvka, réduite à 20 000 habitants, tout près de la ligne de front, alors que la guerre gronde à bas bruit. Une enquête menée par un flic brisé. Un roman de guerre édifiant et éclairant sur l’âme ukrainienne. Une guerre dans la guerre dans la guerre. Un premier roman remarquable à bien des égards.

Contexte pour rappel : le Donbass est situé à l’est de l’Ukraine. En 2014, à la suite de la révolution de Maïdan à Kiev et la victoire des pro-européens, des groupes séparatistes pro-russes de l’est et du sud se sont soulevés contre le nouveau pouvoir. Avec le soutien de la Russie. En six ans, au moment de l’écriture du roman, le conflit a déjà fait 13 000 morts. La ligne de front court sur 400 kms.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que ce récit, nourri de réalisme, offre une dimension documentaire inestimable à ce roman par ailleurs très noir. Pour ne serait-ce qu’effleurer des expériences de vies gâchées par une guerre fratricide qui n’en finit pas. Pour mieux comprendre les relations complexes entre ces frères ennemis, russes et ukrainiens, déchirés entre deux allégeances. Car cette immersion devient nécessaire alors que l’actualité nous a depuis rattrapée.

À HAUTEUR D’HOMMES ET DE FEMMES. Tout au long de Donbass, le lecteur se retrouve de concert avec les 20 000 habitants d’Avdiïvka à quelques mètres seulement de la ligne de front où la guerre civile se poursuit en sourdine. On continue à se tirer dessus, en permanence et en pointillés, dans une guerre des nerfs où rien ne bouge vraiment. Une guerre devenue routine, comme paralysée, qui confère une atmosphère d’étrangeté à ces vies menées entre parenthèses. Avec Donbass, on se pose du côté des gens, dans les rues défoncées et les maisons en ruine. Sous les tirs de mortiers et les déflagrations au loin, comme un bruit de fond devenu familier. Une expérience immersive qui file un blues immense. Où chacun tente de poursuivre des bribes d’existence.

UN POLAR UN VRAI. Il apparaît déroutant – pour ne pas dire absurde – d’enquêter sur des meurtres dans des contextes de conflits armés où la mort est omniprésente et où chaque vie ne tient qu’à un fil. Et pourtant. Ici la découverte d’un enfant assassiné va chambouler le fragile équilibre d’une communauté déjà au bord de la rupture. Un colonel de police, Henrik, ancien d’Afghanistan, totalement hors sol, va mener l’enquête et, à travers elle, faire resurgir tout le destin de cette région sinistrée, autrefois économiquement dynamique. Où l’on réalise que derrière la guerre civile et les relations complexes entre russes et ukrainiens, rien n’a vraiment changé. Où des deux côtés de la ligne de front, ce sont toujours les mêmes profiteurs qui continuent de tirer leur épingle du jeu en se livrant à de multiples trafics. Encore et toujours.

UN ROMAN NOIR UN VRAI. Où l’on découvre la complexité des relations inextricables et historiques qui lient la Russie et l’Ukraine. Où l’on ressent la tension fratricide entre pro-Maïdan et séparatistes soutenus par les forces russes. Où la corruption est aux manettes dans cette zone sinistrée qui a connu ses heures de gloire, traversée par tous les trafics imaginables. Où les mafias mènent la danse et gardent la main mise sur toute l’économie du pays, notamment à Avdiïvka, ville stratégique qui héberge l’une des plus grandes usines de charbon à coke en Europe, enjeu capital pour Kiev comme pour les séparatistes.  Où les usines démembrées, après le démantèlement de l’ex-URSS, sont devenues la propriété de mafieux locaux, véritables oligarques. Avides de respectabilité, leurs opérations illicites et trafics perdurent sous l’œil complaisant d’hommes politiques et de policiers corrompus. Un roman réaliste qui fait le constat des traces indélébiles laissées par la guerre d’Afghanistan. Un reportage de guerre autant qu’un roman policier, qui donne la voix à une population qui ne veut ou qui ne peut pas fuir la zone de combat.

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