LA SOIF DU MAL, d'Orson Welles

Film
Bien
Très bien
Un Must
Oraison funèbre

Le pitch

Une voiture explose à Los Robles, près de la frontière américano-mexicaine. À bord se trouvaient l’homme d’affaires Rudy Linnekar et sa maîtresse. Mike Vargas, un policier mexicain de la brigade des stupéfiants (en voyage avec son épouse) assiste par hasard à la scène. Il décide de suivre l’enquête menée par le chef de la police locale, Quinlan, un homme pervers et corrompu. C’est ainsi que le probe et juste policier mexicain se heurte au flic véreux. Un film politique qui est aussi une merveille technique et esthétique.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car La Soif du mal est à la fois un pamphlet politique puissant et une pure œuvre d’art. Car les innovations techniques sont pléthores et le style cinématographique éblouissant. Pour les trois premières minutes et dix secondes, exceptionnelles. Pour Orson Welles, énorme. Car pour son grand retour en Amérique après le maccarthysme, Welles règle sévèrement ses comptes et dénonce la dérive droitière de l’Etat. Un pur chef-d’œuvre.

UNE SCÈNE D’OUVERTURE D’ANTHOLOGIE. Magistrale. Un tour de force. Un plan-séquence de trois minutes et dix secondes suit la balade d’un couple vers la frontière, bras-dessus bras-dessous, amoureux, dans des rues grouillantes d’activité. Dans le même temps ils croisent une voiture. Puis la perdent, la retrouvent, la recroisent au poste frontière. Dans cette voiture une bombe, prête à exploser, côté américain. Extraordinaire.

UN PAMPHLET POLITIQUE. Contrairement à l’image autoritaire et élitiste que lui donnent ses rôles, Welles a été toute sa vie un homme de gauche, progressiste. Dans l’œil du cyclone au moment du maccarthysme, bête noire de Hoover, surveillé par le FBI, Welles s’exilera en Europe pendant dix ans. À la faveur de Charlton Heston, ami et grand fan de Citizen Kane, Welles jouera et mettra en scène La Soif du Mal, adapté de Whit Masterson, qui devait signer son grand retour à Hollywood. Trop baroque, trop fou, trop dérangeant… Ce cauchemar américain rebutera le public. Universal se chargera de la post-production, fera ses propres coupes au montage, et Welles ne signera pas d’autres contrats de sitôt. Nous reste en héritage ce film exceptionnel dans lequel Welles règle ses comptes. Dénonce le fascisme latent de l’État par la réécriture des deux personnages principaux. Au-delà du conflit purement policier entre le pourri et le vertueux, Welles inscrit un duel entre l’autoritarisme et la liberté dans une ville pétrolière en déclin, dépressive, à la frontière du Mexique. Loin de l’image lisse et chatoyante que l’Amérique droitière d’Eisenhower souhaite véhiculer auprès du monde entier. Et Welles n’hésite pas à placer dans la bouche de Vargas ses pensées politiques sur l’abus de pouvoir en général et sur le maccarthysme en particulier. « Notre travail est censé être dur. Le travail de la police n’est facile que dans un Etat policier. » C’est la fin d’un monde que décrit Welles, le pourrissement d’une société.

VIRTUOSITÉ TECHNIQUE. La Soif du Mal est une œuvre d’art innovante, provocante. D’une audace de tous les plans, jouant sur les plongées et les contre-plongées, les cadrages et les décors insolites. Pas une image qui ne soit sublime, dérangeante ou novatrice.

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La fiche

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Couleur / noir et blanc :

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Orson Welles est un auteur, scénariste, acteur américain absolument majeur. Incompris en temps. Un génie exubérant, bigger than life. Comme beaucoup d’artistes visionnaires, ses films sont rentrés tardivement au panthéon du cinéma international. Filmo sélective :

On ne présente plus Citizen Kane (1941), coécrit et coproduit par Orson Welles dont c’est le premier film en tant que réalisateur, et dans lequel il tient également le rôle-titre, avec Dorothy Comingore. A la mort du milliardaire Charles Foster Kane, un grand magnat de la presse, Thompson, un reporter, enquête sur sa vie. Les contacts qu’il prend avec ses proches lui font découvrir un personnage gigantesque, mégalomane, égoïste et solitaire. Un film révolutionnaire par son procédé narratif qui reprend implicitement le principe de la caméra subjective

La Splendeur des Ambersons (The Magnificent Ambersons, 1942) Avec Joseph Cotten, Tim Holt, Anne Baxter. Une romance dramatique absolument magnifique qui sera un total échec commercial. Les studios remonteront le film sans son accord.

La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai, 1947). Avec Rita Hayworth, Orson Welles, Everett Sloane. À Cuba, Michael, marin irlandais en quête d’un emploi, sauve d’une agression une jeune femme, Elsa. Le mari d’Elsa, avocat célèbre, offre à Michael d’embarquer sur son yacht pour une croisière vers San Francisco. Elsa et Michael tombent amoureux et Grisby, l’associé de Bannister, s’aperçoit de cet amour. Il veut disparaître et propose à Michael 5000 dollars pour signer un papier dans lequel il confesse l’avoir tué. Avec la fameuse scène des miroirs brisés. La chevelure de Rita Hayworth, devenue blonde et coupée courte. Un autre chef-d’œuvre incompris à sa sortie.