BLOOD SIMPLE, de Joel et Ethan Coen

Film
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Un Must
Le grand malentendu

Le pitch

Au Texas, un patron de bar engage un détective privé (à la déontologie discutable) pour suivre sa jeune femme Abby. Bingo, elle le trompe avec le barman. La suite fait froid dans le dos.  Premier film (culte) des frères Coen. Avec déjà tout leur génie (et la débutante Frances McDormand, future Mme Joel). Interdit aux moins de 12 ans.

Blood Simple : titre en référence à une expression employée par Dashiell Hammett dans La Moisson rouge :  « This damned burg’s getting me. If I don’t get away soon I’ll be going blood-simple like the natives. There’s been what? A dozen and a half murders since I’ve been here. »

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que Blood Simple est éminemment appréciable selon deux points de vue, également stimulants. En tant que ce qu’il est et en tant ce qu’il annonce.  Une œuvre matricielle où l’on retrouve tous les éléments constitutifs de l’univers singulier et passionnant du duo du Minnesota. Parce que les frères Coen y réinventent avec génie les codes du film noir. Car si Blood Simple n’est pas un premier film parfait, il révélait à sa sortie une approche aussi respectueuse que ludique du cinéma, une façon libre et singulière de briser les codes, une capacité à construire un univers unique et cohérent. Car il témoigne de la naissance d’un duo d’artistes à nul autre pareil, totalement indépendant et maître de ses œuvres, cumulant les rôles de producteurs, scénaristes et monteur.

RÉINVENTION D’UN GENRE. Si le titre fait référence à une œuvre de Dashiel Hammett, c’est à un autre auteur de romans hard-boiled maintes fois adapté au cinéma, que renvoie ce film : James M. Cain. Popularisé notamment par Le facteur sonne toujours deux fois et Assurance sur la mort. Des histoires de triangles amoureux qui suintent la corruption, la déliquescence morale, la noirceur de l’âme humaine, exprimées par les actions des personnages plus que par leur psychologie le plus souvent sommaire. L’engrenage fatal qui les mène inexorablement à leur perte, quoiqu’ils tentent pour s’en sortir, est quant à lui un motif classique du film noir tel qu’il a essaimé dans les années 40 et 50. Là où les frérots réinventent le genre, c’est lorsqu’ils opèrent une distanciation à l’égard du réel. « Quand les gens vont voir un film de genre, ils arrivent avec leurs règles et leurs attentes. Le plaisir, pour nous, vient de la manière dont on parvient à contourner les règles et à donner une nouvelle impulsion au genre. » Joel Coen explique que tout est phony (faux/simulé) dans leur univers afin de décupler l’impact du film sur le public. Ainsi le Texas moite, tel que filmé dans Blood Simple n’a rien de réaliste mais intègre tous les clichés (la chaleur, la poussière, les champs, les bars, le folklore, la violence…) pour en faire une représentation archétypale. Une manière de capter une certaine identité américaine. La première pièce d’un puzzle qui s’enrichira au fur et mesure de leur filmographie pour produire une image de la nature profonde de l’Amérique.

UN HUMOUR (TRÈS) NOIR. L’excentricité volontiers gore des frères Coen (désormais acquise après 40 ans de carrière) existait déjà dans cette première œuvre. Un humour noir qui consiste à partir d’une situation vraiment pas drôle et la pousser à son extrême limite de crédibilité. Là où le spectateur est au max de ce qu’il peut endurer avant de lâcher prise. Des scènes qui pourront toucher au grotesque et deviendront avec le temps absolument inoubliables.  Fargo poussera cet exercice à son max (on pensera à la scène de la scieuse, par ex…).

QUEL SENS DONNER A TOUT CELA ? Cette question existentielle du sens traverse le film (et l’œuvre) des frères Coen. C’est d’ailleurs plutôt l’absence de sens (et donc de direction) qui sert de fil rouge au film, représentée par la route, motif omniprésent de Blood Simple. Des personnages lambdas, par un acte inhabituel, vont déclencher une série d’événements qui vont les faire sombrer inexorable dans un univers de violence et de criminalité. Quand l’homme demande à la femme mariée « What do you want? », elle lui répond : « What do YOU want ? » et ils se retrouvent dans un lit. L’engrenage infernal ainsi mis en place, tous vont tenter de s’en sortir, sans succès. Car tout le monde se trompe et tout le monde trompe le reste du monde. La question du sens ne peut pas être résolue car la vie s’est chargée de piper les dés dès le départ. Cette absence de vérité se trouve confortée par des scènes qui relèvent du domaine du rêve, voire du fantastique. D’ailleurs ce personnage suant de détective privé, seulement connu du mari cocu, est-il un réel ou un pur produit de notre imagination ?

*1939 : Le dernier tournant de Pierre Chenal. 1943 : Les Amants Diaboliques (Ossessione) de Luchino Visconti ; 1947 : The postman always rings twice de Tay Garnet. 1981 : version de Bob Rafelson (1981).

** Double Indemnity, 1994, Billy Wilder.

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La fiche

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Leur œuvre est immense et incontournable. Noire, violente, absurde, drôle et déjantée. Filmo très sélective comme d’hab. Arizona Junior (1987), Miller’s Crossing (1990), Fargo (1996), The Big Lebowski (1998), The Barber (The Man who wasn’t there, 2001 – autre adaptation de James Cain), No Country for Old Men (2007), Burn after reading (2008), True Grit (2010) …

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