WE OWN THIS CITY, de David Simon

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Le pitch

20 ans après la diffusion de sa première saison, le créateur de The Wire, David Simon, et son co-auteur George Pelecanos, reviennent à Baltimore ausculter une unité d’élite gangrénée par la corruption. Un retour fort réussi. Dans un style fidèle à leur parti pris documentaire. Une saisissante descente au plus profond d’une vaste entreprise de malversation.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car en plaçant leur caméra au sein même de l’institution policière, We own this city, à partir d’un scandale avéré, nous donne la mesure du coût politique et social de la guerre contre la drogue dans une ville malade de sa police, rongée par la came et le chômage, dans un contexte politique américain hautement inflammable. Pour mieux comprendre, de l’intérieur, les dysfonctionnements d’un système vicié où les objectifs chiffrés encouragent la violence. Pour ajouter un chapitre (et une conclusion ?) aux 5 saisons de The Wire. La boucle est bouclée. Sans grand espoir pour l’avenir.

LE PARTI PRIS DOCUMENTAIRE. Il y a 20 ans, David Simon créait la série (qui deviendra culte) The Wire, à partir de son roman Baltimore (Sonatine, 2012), nourri de sa propre expérience de journaliste au Baltimore Sun. Aujourd’hui, avec son co-auteur George Pelecanos, il s’appuie sur We Own this City (La ville nous appartient, Sonatine), l’œuvre issue d’une enquête menée par Justin Fenton, un autre journaliste ayant sévi au même quotidien. Où Fenton y a documenté une réalité pendant 13 ans, de 2008 à 2013, restituée à l’occasion d’articles fouillés, nourris de plus de 200 entretiens de sources multiples. La réalité d’une institution policière qui fait sa propre loi, minimisant des violences prétendument isolées, remettant dans la rue des flics notoirement connus pour leurs bavures répétées. Avec la complicité des autorités politiques et administratives. We Own this city s’appuie sur cette solide enquête de terrain pour revenir sur l’ascension et la chute de la Gun Trace Task Force. Une unité « d’élite » mise en place juste après la mort de Freddie Gray, un jeune noir mort à Baltimore au cours de son arrestation en 2015. Une équipe composée de superflics aguerris (comprendre ingérables), conçue pour contenir l’explosion de la criminalité dans une ville déjà sous très haute tension, et qui finiront condamnés en 2017 pour corruption et racket en bande organisée.

UNE MISE EN SCÈNE RYTHMÉE ET EFFICACE. Cette chronique urbaine s’étire sur 10 années ; une gageure pour le réalisateur Reinaldo Marcus Green (La Méthode Williams) qui jongle sans cesse entre les temporalités et les arcs narratifs dans un récit choral qui ne cesse de passer d’une époque à une autre. Alors que The Wire tablait sur la fébrilité d’une mise en scène tournée caméra à l’épaule, We own this city lorgne davantage vers une grammaire cinématographique classique et ample (dixit le réalisateur). Soit une approche à la Sicario (Denis Villeneuve, 2015) ou Les Affranchis (Martin Scorsese, 1990). Filmant à la Steadycam (caméra stabilisée) et à la dolly (sur roue ou rails) pour un résultat moins saccadé, plus souple que son illustre prédécesseur. La mise en scène s’avère nerveuse et efficace à partir d’un scénario ardu, truffé de passages obligés pas naturellement télégéniques tels que les interrogatoires en chambres closes et autres faces à faces/figures imposés du polar judiciaire. Au final, la série maintient un bon rythme, alternant scènes d’’action et veine réaliste, avec toujours en filigrane une ambition politique affichée.

LA GUERRE DES POLICES. L’enjeu du racisme des Blancs contre les Noirs n’est pas au cœur du récit. On y découvre davantage une guerre des « bleus » contre le reste du monde, et en particulier à l’égard les minorités les plus fragiles. Au-delà, cette affaire révèle des fractures au sein de même de l’institution, entre policiers en uniforme et agents en tenue de ville, entre flics de terrain et flics planqués derrière leurs bureaux à surveiller les autres. Elle pointe enfin du doigt l’indigence d’une politique publique réduite aux saisies d’armes et de drogues. Aveugle et complice des exactions d’une bande de flics brutaux et véreux mais qui n’ont peur de rien, et remplissent leur part du contrat, quoiqu’il en coûte, en faisant du chiffre.

À LA FIN DU FIN. La police de Baltimore s’est trouvée placée sous la tutelle des autorités fédérales. Honte ultime. Contrainte de présenter à échéances régulières les preuves de ses efforts dans sa lutte contre la corruption, le racisme, les brutalités. Et devinez où se trouvent leur nouveau QG ? Dans les anciens bâtiments du Baltimore Sun.

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La fiche

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Si vous avez aimé, découvrez du même auteur

The deuce (3 saisons / 25 épisodes / 2017 – 2019 / 60 min). Série créée par David Simon et George Pelecanos. Avec James Franco, Maggie Gyllenhaam, Chris Bauer ? Chris Coy. Excellente série sur l’essor de l’industrie pornographique du début des années 70 au milieu des années 80.

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Treme (4 saisons / 36 épisodes / 2010 – 2013 / 60 min).  Série créée par David Simon. Avec Wendell Pierce, Clarke Peters, Khandi Alexander. Des musiciens, membres du même groupe, tentent de reconstruire leurs vies dans la Nouvelle-Orléans post Ouragan Katrina. OK ce n’est pas un polar, mais à voir absolument.

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Narc (2003). Film américain de Joe Carnahan. Avec Jason Patric, Ray Liotta, Chi McBride. Int -12 ans. Deux flics (dont un au bout du rouleau) enquêtent sur la mort d’un coéquipier. Un polar complexe et troublant avec deux acteurs rares.

Training Day (2001). Film américain d’Antoine Fuqua. Avec Denzel Washington, Ethan Hawke, Tom Berenger. Int -12 ans. Jake Hoyt est une nouvelle recrue de la police de Los Angeles. Mis à l’essai auprès du sergent-chef Alonzo Harris, un vétéran de la lutte antidrogue qui opère dans les quartiers les plus chauds de la ville, Jake va vivre une longue et périlleuse tournée. Un film d’action qui déménage. Efficace à n’en pas douter ! Deyx acteurs à leur top.

L’Elite de Brooklyn (Brooklyn’s finest, 2010). Film américain d’Antoine Fuqua. Avec Richard Gere, Don Cheadle, Ethan Hawke. Int -12 ans. Le destin funeste de trois flics qui se croisent dans une nuit d’enfer à Brooklyn. Un film nihiliste où les acteurs arrivent à nous toucher.

Serpico (1974). Film américain de Sydney Lumet. Avec Al Pacino, John Randolph, Jack Kehoe. Le plus célèbre des flics infiltrés. Joué par l’intense Al Pacino (nommé aux oscars 1974).  Fraîchement sorti de l’académie de police, Frank Serpico commence son service à New York avec une forte idéologie et les valeurs qui lui sont propres. Mais il se rend vite compte qu’il entre dans une vaste machine à corruption. Ne se laissant aller au petit jeu des pots-de-vin, il est rapidement isolé au sein de sa brigade. Alors qu’il s’apprête à révéler ses découvertes au grand jour, aux yeux de ses collègues, Serpico n’est qu’un traître.

The Shied, série américaine de Shawn RYAN. 7 saisons (2002-2008). 88 épisodes de 42min. La série policière qui a changé les règles du genre en starisant un flic (et une brigade) ripou mais aussi attachant. Vic Makay (Michael Chiklis) et sa dreamteam. Pour rétablir l’ordre dans les secteurs les plus dangereux de Los Angeles, une brigade de police en arrive à mettre en oeuvre des méthodes plutôt expéditives et inhabituelles (euphémisme).