SARAH JANE, de James Sallis

Livre
Bien
Très bien
Un Must
Chronique d’une solitaire

Le pitch

Etrangement surnommée « Mignonne », Sarah Jane Pullman a déjà trop vécu pour son jeune âge. Elle se raconte dans ce roman brut, dense et elliptique. Une vie d’errance, de tragédies, et de bonnes surprises aussi. Un roman noir, très noir.  À l’écriture acide et spirituelle. Poignant.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que Sarah Jane ne fait pas d’esbrouffe ; son propos est resserré et comme toujours avec James Sallis, le récit va à l’essentiel, sans fioritures.  Pour la voix de Sarah, surtout triste, parfois optimiste, toujours empathique. Car c’est un magnifique roman noir sur l’absence et le silence. Car cet écrivain de l’absence est un magicien, le créateur d’atmosphères mélancoliques et crépusculaires d’une grande force émotionnelle.

UNE VIE D’ERRANCE ET DE FUITE EN AVANT. Sarah Jane tient un journal depuis l’âge de 7ans. Écrit au stylo bille dans un cahier à spirales. Certaine pourtant que sa vie n’intéressera jamais personne, elle dont la mère disparait à intervalles réguliers pour finir par ne plus jamais revenir. Elle, la fugueuse, la militaire, la chef cuistot, l’amoureuse malheureuse, la toxico… Une vie vécue comme une perpétuelle fuite en avant. Un destin improbable, hors du commun, quoiqu’elle en dise. Son histoire se dévoile par bribes. Elle nous est rapportée en pointillés, par bribes, à coup d’ellipses. Avec l’idée que chacun fait au mieux pour combler les espaces et conférer, au bout du bout, une forme acceptable à l’ensemble. Une vie à laquelle on aimerait trouver un sens avant la fin de l’histoire.

UNE RÉCIT SUR L’ABSENCE ET LE SILENCE. James Sallis sait l’art du dépouillement et de la création d’atmosphères crépusculaires. Ce roman noir poignant n’échappe pas à la règle. Sans un adjectif de trop, Sallis suggère, avec empathie et pudeur, le sentiment irrémédiable de fuite du temps qui nourrit la mélancolie des hommes. Un monde sans illusions, construit sur le silence et la solitude, car les êtres croisés, aimés, pas aimés ou mal aimés sont tous voués à disparaître. Alors il faut s’accrocher, pour exister un peu, donner du sens, grâce à certaines relations miraculeuses qui nous porteront un peu plus loin.

UN ROMAN D’ATMOSPHÈRE. James Sallis est un auteur passionnant. Grand amateur de jazz et de poésie française, l’Américain est également traducteur, journaliste littéraire, chroniqueur pour Texas Jazz, guitariste dans un groupe, auteur de plusieurs essais de musicologie, amateur de science-fiction et poète. Il est arrivé au polar sur le tard, inspiré par les œuvres de Chester Himes et Dashiell Hammett. Un parcours d’une richesse inouïe, en rebonds et zigzags, qui peut donner un éclairage intéressant sur ses oeuvres. Car ce n’est pas un auteur de polar qui s’intéresse à la mécanique d’une intrigue tirée au cordeau, avec des personnages spectaculaires. Il privilégie les perdants, les modestes, ceux qui restent au bord de la route. L’errance, les accidents du destin, le rapport entre les êtres, l’atmosphère des rues sombres et les clairs-obscurs. James Sallis est un créateur d’émotions.

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La série Lew Griffin.

  • Le Faucheux (Gallimard, 1997) – (Long-Legged Fly, 1992). Gallimard, 1997. Traduction de Jeanne Guyon et Patrick Raynal. Le premier roman criminel de James Sallis met en scène un détective privé noir à La Nouvelle-Orléans, Lew Griffin. Un anti-héros alcoolique, éternel amoureux malheureux, lecteur cultivé. Désespéré, toujours.
  • Notre héros disparaîtra au 6ème opus, Bête à bon Dieu (Gallimard, 2005) – Ghost of a Flea (2001). Traduction de Sean Seago et Stéphanie Estournet.

Après Lew Griffin, Sallis a imaginé John Turner. Policier borderline emprisonné pour meurtre.

Mais Drive (2005) sera le vrai tournant qui apportera gloire et notoriété à Sallis. Dédié à Ed McBain, Donald Westlake et Lawrence Block, le livre raconte la double vie d’un homme, chauffeur pour le cinéma le jour et pour les truands la nuit. Il sera magnifiquement adapté au cinéma par Nicolas Winding Refn, avec Ryan Gosling et Carey Mulligan. 2 opus dans la série.

  • Drive (2005). Publié chez Rivages/Noir (2006). Traduction d’Isabelle Maillet.
  • Driven (2012). Publié chez Rivages/Noir (2013). Traduction d’Hubert Tézenas.

Parmi ses autres romans notables :

  • Le tueur se meurt (2013, Rivages / Noir), Grand Prix de Littérature policière (The Killer is Dying, 2011). Traduction de Christophe Mercier et Jeanne Guyon.
  • Willnot (2016). (Willnot, Rivages/Noir, 2019). L’histoire d’une petite ville américaine imaginaire pas aussi paisible qu’elle en a l’air. Traduction de Hubert Tézenas.