RIEN NOUS APPARTIENT, de Guillaume Guéraud

Livre
Bien
Très bien
Un Must
Un immense gâchis

Le pitch

« Avant de faire ce que j’ai à faire,

Je voudrais mettre les choses au clair.

Parce qu’après, ça va forcément m’échapper.

Et je ne serai plus là. »

Tout se passe avant. Avant que Malik, 19 ans, commette l’irréparable. Pour tenter de comprendre. Pour regarder en face comment tout a dérapé. Il se raconte, avec désordre et sincérité, dans ce roman poignant qui laisse le goût amer d’un immense gâchis. Dès 14 ans.

Pourquoi je vous le conseille ?

Pour Malik, un héros touchant, narrateur qui se livre sans fards avant un désastre annoncé. Pour le style, imagé, précis, rythmé, inspiré du langage des cités où l’auteur a lui-même vécu ses 25 premières années. Parce que c’est une confidence qui nous est livrée à toute vitesse, au creux de notre oreille, et qui nous ouvre les yeux sur une jeunesse qui a perdu espoir. Mais pas le sens de l’humour. Pour la voix de Malik. Terriblement présente, sans retenue. Un coup de cœur, dès 14 ans.

UN CRI DE COLÈRE. Malik prend la plume alors qu’il a pris la décision de faire sauter une bombe. Il pose ce fait dès la première phrase. « Déjà, avant que les flics ou les médias racontent n’importe quoi, je vous annonce que je suis pas musulman. Alors n’allez pas croire que c’est un attentat terroriste organisé par Daesh ou un attentat islamiste signé Al-Quaïda et compagnie. Aucun rapport. » Un récit puissant où Malik se livre, brut de décoffrage, ultra-sensible. Et violent aussi, ingérable. C’est toute cette complexité qu’il nous laisse entrevoir dans ce récit écrit en urgence, à l’arrache, dans le désordre. Tout vient en vrac, tout se bouscule. Son enfance dans la cité, le départ de sa mère et de ses sœurs, la vie avec son père et ses potes, son amour pour Fatima, la débrouille et les combines, la délinquance. 160 pages d’une écriture serrée, précise, pour tenter de nous expliquer qui il est et ce qui l’a conduit à cette décision radicale.

C’EST QUOI, GRAVE, POUR TOI. « Alors OK, des conneries, mes potes et moi, on en a fait pas mal. Quand on avait encore l’âge d’en faire. Des pas bien graves. Cramer une ou deux bagnoles. Insulter des flics. Arracher un sac. On a aussi fait la voiture bélier ensemble. Alors qu’on n’avait même pas l’âge de conduire. À quinze ans. Contre le Lidl. Une autre fois contre le bureau de tabac. Pour piquer des trucs et faire les malins. » Malik ne cherche pas à se justifier. Il raconte, frénétiquement, comment il s’organisait à 16 ans pour cambrioler dans les beaux quartiers parisiens les soirs de match. Une délinquance juvénile qui le mène en prison. L’auteur s’empare de la violence sociale, sans édulcorer, pour faire entendre la voix d’un personnage qu’on désigne habituellement comme le méchant, sans pour autant le victimiser. Celui qui prend le pavé pour briser la vitrine des commerçant, caché derrière son foulard et sa capuche. « Je suis juste un mec qui croit en rien. Et qui en a marre. (…) alors ouais, ceux qu’on appelle les « casseurs », c’est nous. Mais on s’en fout. On est dans la merde et on n’a rien à perdre, tout mettre en miettes est pour nous une fête. »

UN HORRIBLE GÂCHIS. Il a aussi des rêves, Malik. Vastes comme le ciel au-dessus des Alpes, quand la beauté de la montagne surpasse tout le reste et vous fait croire à un horizon possible. Ce bonheur-là, il l’a connu une semaine, à l’occasion d’un trek éblouissant organisé par l’établissement pénitentiaire pour mineurs où il a fait seize mois. Mais la vie est chienne et les choses ne se passent pas comme on voudrait. Elles nous échappent, s’aggravent, poussent au crime. Ce roman raconte comme un gamin cinéphile, fan de Scarface, critique lucide des réseaux sociaux, capable d’obtenir un bac avec mention depuis la prison, un bon élève et un amoureux, peut en arriver là. Rien nous appartient est l’histoire de rêves brisés, ceux d’un jeune homme qui ne trouve pas sa place dans une société où l’égalité n’est qu’un leurre et qui tarde à changer. Ça déborde d’injustice, de rendez-vous manqués, de mains tendues trop tard. Rien nous appartient. Que la colère et les miettes des rêves d’enfant. Une littérature pour ados qui décidément ne prend pas de gants pour nous exposer le plus terrible des gâchis. Comme une bombe.

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