PIMP, MÉMOIRES D’UN MAQUEREAU, d'Iceberg Slim

Livre
Bien
Très bien
Un Must
Black mac

Le pitch

Roman culte, largement autobiographique, où Robert Beck (1918-1992), de son vrai nom Robert Lee Maupin, aka Young Blood revient, à sa manière, romancée, brutale et sans filtre, sur ses débuts dans la pègre black des années 40 à 60. Une trajectoire qui le mène des petits bleds de Milwaukee aux pavés de Chicago. Avec le rêve de devenir le plus grand mac du pays. Un documentaire édifiant sur les bas-fonds de l’Amérique, plein de sueur, de sexe et de violence, dans une langue qui claque comme du rap. Une référence pour des générations d’afro-américains.  Incontournable. Choquant. Profondément misogyne. Mais tellement éclairant. À ne pas laisser entrer toutes les mains…

Nb : À propos de Pimp – L’art de manipuler une fille pour qu’elle fasse le trottoir et vous rapporte de l’argent porte un nom en anglais : Pimpin’, à savoir l’activité du pimp. Le pimp, c’est celui qui travaille sans effort, celui qui récolte l’argent gagné par ses filles.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car cette figure légendaire du proxénétisme aux US, en plus d’inspirer plus d’un rappeur (Ice T, Ice Cube et j’en passe) est devenu l’un des écrivains les plus influents de la littérature afro-américaine. Pour le style, excellent, imagé, argotique, et j’avoue, souvent drôle malgré l’horrifique contexte. Parce qu’on entre de plein pied dans l’Amérique de la ségrégation, de la corruption. Car c’est une description de l’intérieur du quotidien sordide du ghetto noir avant l’émergence de la Blaxpolitation et des émeutes raciales des années 60. Un monument.

UN DOCUMENTAIRE HISTORIQUE UNIQUE. Nous sommes au milieu des années trente, les États-Unis sont frappés de plein fouet par la crise économique. À cette époque les noirs étaient encore harcelés, lynchés et pendus aux arbres. Ce récit d’une noirceur absolue dévoile un ghetto humain où règnent la loi de la rue. Les rails de cocaïne et les ravages de l’héroïne. Les filles sur le trottoir. Les fringues et les bagnoles qui en jettent, les cabarets de jazz, les hôtels louches et les rues pavées de prostituées où paradent des hommes au look flamboyant et à l’avenir sombre. Un avant-goût de ce qui deviendra le modèle bling-bling. Une Amérique des bas-fonds gangrénée par la ségrégation où Iceberg Slim comme tant d’autres est persuadé que l’exploitation sexuelle est le seul moyen pour un noir de grimper l’échelle sociale. Car ce livre publié en 1967 est toujours le livre de chevet de toute une génération d’étudiants et de rappeurs.

CAR ICEBERG SLIM EST UN PERSONNAGE CULTE. “Mince, séduisant et bête” de son propre aveu, ce bellâtre calculateur et froid, au QI de (soi-disant) 175, a exaucé son rêve dans le Chicago des années 30 : se retrouver à la tête d’un harem, qu’il tiendra d’une main de fer pendant vingt ans. Culte pourquoi ? En quoi ? Sorti en 1967, Pimp est le premier roman américain à décrire l’homme noir autrement qu’en faire-valoir ou qu’en victime d’un blanc. Best-seller vendu à plus de 2 millions d’exemplaires (porté par sa réputation sulfureuse), Pimp fait le tour des prisons, des ghettos, pour devenir la Bible des truands. Et Iceberg Slim d’être le premier auteur à détailler avec un réalisme aussi cru le quotidien sordide et le langage ordurier d’une communauté ignorée par le reste de la société. Un ex-proxénète qui deviendra une icône avec l’explosion de la Blaxploitation dans les années 70. Icône plus tard encensée par le monde du hip hop et du rap, où Snoop Dogg, Too $hort, Jay Z, E-40 ou Notorious B.I.G., seront régulièrement accusés de “glamouriser” l’héritage glauque laissé par l’auteur. L’héritage ? C’est probablement Sapphire, autrice américaine qui signe la préface de l’ouvrage, qui en parle le mieux : « Quelle que soit la désapprobation que nous inspirent sa violente misogynie ou son analyse défaitiste des possibilités de progrès social pour les Noirs, nous sommes obligés de reconnaître qu’il y a une vérité à découvrir dans l’histoire de cet homme. » C’est tout cela qui l’a fait rentrer au Panthéon des écrivains Afro-Américains.

UN STYLE DÉCAPANT, IMAGÉ, BOURRÉ D’HUMOUR.  Si Iceberg Slim était né après les années soixante-dix, il aurait certainement été rappeur. Il écrit d’une manière si imagée que l’on ne peut pas se sortir certaines scènes de la tête. Son écriture riche, rythmée et son vocabulaire cru sont accompagnés par un emploi de métaphores frappantes. « Il avait à peu près l’expression d’une bonne sœur surprise nue dans la chambre d’un prêtre par la mère supérieure. » Ou encore « Les macs, c’est comme les voitures. Les plus connues ne sont pas forcément les meilleures. Disons que moi, je suis une Duesenberg et que Sweet, c’est une Ford. J’ai la qualité et la beauté. Lui, il a la publicité et la chance. Sweet a dix putes, moi j’en ai cinq. »

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Trick Baby (Trick Baby: The Story of a White Negro, 1967). Traduit par Gérard Henri (Éditions de l’Olivier, 1999) raconte l’histoire d’un arnaqueur blanc aux yeux bleus surnommé « White Folks » qui deviendra plus tard un film Blaxploitation.

Mama Black Widow (1969), traduit par Gérard Henri (2000) à propos d’un homosexuel afro américain, véritable sujet tabou à l’époque

Avec Pimp, ces trois ouvrages majeurs constituent pour un grand nombre de critiques la « Trilogie du ghetto » et vont avoir un impact considérable sur la littérature afro-Américaine, au point qu’Iceberg Slim soit toujours aujourd’hui cité comme un des écrivains les plus influents de son époque.

Ont suivi :

Du temps où j’étais mac (The Naked Soul of Iceberg Slim: Robert Beck’s Real Story (1993), traduit par Clélia Laventure (2015).

Iceberg Slim: Portrait of a Pimp (2012), produit par Ice T et réalisé par Jorge Hinojosa. 1h30. Un documentaire divertissant et instructif.

À découvrir ailleurs, dans la même ambiance

Jackie Brown (1998). Film de Quentin Tarantino d’après Elmore Leonard. Avec Pam Grie , Samuel L. Jackson, Robert De Niro. Jackie Brown, hôtesse de l’air, arrondit ses fins de mois en convoyant de l’argent liquide pour le compte d’un trafiquant d’armes, Ordell Robbie. Un jour, un agent federal et un policier de Los Angeles la cueillent à l’aéroport. Ils comptent sur elle pour faire tomber le trafiquant. Jackie échafaude alors un plan audacieux pour doubler tout le monde lors d’un prochain transfert qui porte sur la modeste somme de cinq cent mille dollars. Mais il lui faudra compter avec les complices d’Ordell, qui ont des méthodes plutôt expéditives. Un bel hommage de Tarantino à la Blaxploitation.

Shaft, Les nuits rouges de Harlem (Shaft, 1971) de Gordon Parks. Avec Richard Roundtree, Moses Gunn, Charles Cioffi. John Shaft, détective noir-américain, opère à Harlem. Il est implacable et téméraire. Il marche seul et ne fait confiance à personne. Il est engagé par un des gros bonnets de la drogue dont la fille a été enlevée. Mais cet enlèvement n’est qu’un des épisodes que se livrent les deux mafias, la blanche et la noire.