LES DERNIERS JOURS DES FAUVES, de Jérôme Leroy

Livre
Bien
Très bien
Un Must
Politique fiction ?

Le pitch

Dans une France éreintée par deux ans de pandémie et la crise des gilets jaunes, la présidente de la République Nathalie Séchard – 58 ans dont 26 de plus que son mari – décide de ne pas se représenter en 2022. Deux de ses ministres se portent candidats à sa succession : le ministre de l’intérieur Patrick Beauséant, issu de la droite dure, et Guillaume Manerville, ministre de l’Ecologie venu de la gauche. La guerre des fauves fait rage, dans ce roman où tout est faux, bien sûr… Toute ressemblance… Entre réalité et fiction, Jérôme Leroy se livre avec gourmandise à un pas de côté, un décalage ténu et grinçant, et nous déroule un thriller politique autour de la macronie qui tient toutes ses promesses. Irrésistible.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce qu’en opérant un léger glissement latéral, Jérôme Leroy, le franc-tireur du polar, nous offre un ovni : pas une uchronie, ni une dystopie, mais plutôt une traduction du réel, savoureusement critique. Car c’est un fantastique thriller politique, énergique et rythmé, habilement mené et difficile à lâcher. Pour le style, gourmand, drôle et grinçant. Car c’est un roman à clés où l’on prend plaisir à démasquer les personnages, aisément reconnaissables. Parce que c’est un jeu d’échecs à taille humaine, fictif, et pourtant totalement vraisemblable. Flippant.

LA FRANCE AU TEMPS DE LA MACRONIE, L’HUMOUR EN PLUS. Rewind. L’épilogue des Derniers Jours des Fauves se déroule le 10 avril 2002, jour du premier tour de la Présidentielle. Et démarre en 2021 dans une France confinée, ravagée par une épidémie (aux variants gamma et sigma !), écrasée par une canicule hors norme, bousculée par les anti-vax, les gilets jaunes, les survivalistes, l’extrême droite, l’ultra gauche et frappée par des attentats. N’en jetez plus. Et pourtant ça me rappelle quelque-chose ? Jérôme Leroy poursuite son voyage dans les coulisses du pouvoir, et ce n’est pas joli joli. Après Le Bloc (2011) où il disséquait la montée d’un parti qui ressemblait fortement au Front national, il réduit encore les distances pour nous rapprocher d’une réalité familière, où les personnages sont aisément reconnaissables. Et pourtant, nous sommes bien dans une fiction dont il tire les ficelles avec un immense talent. Dans une translation qui permet de dévoiler un point de vue inédit de notre réalité. C’est drôle, méchant, cynique et violent. Et pourtant sympathique à bien des endroits. Leroy est décidément un auteur unique en son genre.

UN STYLISTE. J’aime énormément le style gourmand, goguenard et non moins acide de Jérôme Leroy qui prend un immense plaisir à décrire ces hommes et femmes politiques barbotant dans marigot à l’odeur plutôt pestilentielle. Avec un zeste d’humour légèrement grinçant sans en faire trop. Un sourire en coin qui confère à l’ensemble une saveur toute particulière. Un attachement qu’on n’arrive pas totalement à vaincre. Extrêmement littéraire tout en restant tranchant, le ton du livre participe pour beaucoup au plaisir intense que l’on prend à la lecture de ce récit énergique et surprenant.

TOUS POURRIS AU ROYAUME DE FRANCE. La violence est pourtant là, et bien prégnante. Une violence extrême qui passe par les armes autant que par les discours. Assassinats, trahisons, duplicités et compromissions à tous les étages. Leroy ne mégote pas pour décrire les coulisses d’un pouvoir où se démènent une poignée de vaniteux prêts à tout pour régner. La loi, le droit, n’ont plus grande valeur. Et pourtant, tout en décrivant ce monde en déliquescence avec un certain recul ironique, Leroy ne peut s’empêcher un petit fond de romantisme qui sauve du désespoir total. Une petite lueur d’amour et d’espoir dans un monde de brutes. Et pour cela, on l’en aime que davantage.

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Biblio très sélective :

Le Bloc (2011) met en scène un parti d’extrême droite nommé « Bloc Patriotique », dirigé par Roland Dorgelles puis par sa fille Agnès Dorgelles. Dissection d’un parti qui ressemble fortement au Front national. Avec des personnages qu’on retrouve dans Les derniers repas des fauves. Gallimard, Série Noire. Adapté au cinéma par Lucas Belvaux dans Chez nous.

L’ange gardien, Gallimard, Série Noire, 2014.  Berthet travaille pour l’Unité, la cellule la plus occulte des services secrets. Tueur implacable encore capable d’aimer, il veille à distance, sans même qu’elle le sache, sur Kardiatou Diop, une jeune femme d’origine sénégalaise rencontrée par hasard, dont la personnalité l’a touché.
Lorsque, devenue ministre, Diop est parachutée face à une candidate d’extrême droite dans une petite ville du Centre, l’instrumentalisation semble évidente. Berthet comprend alors que sa protégée est en danger. Avant de se lancer dans la bataille pour déjouer la machination, il confie son histoire à Martin Joubert, un écrivain raté qui n’espère plus rien de la vie.

La Petite Gauloise, La Manufacture de Livres, 2018. Dans une grande ville de l’Ouest, le temps est suspendu et l’on s’attend au pire. Enfin, si seulement on savait à quoi s’attendre… Mais il aurait fallu que l’indic parle plus tôt. Ou que le flic auquel il s’est confié avant d’être descendu ne soit pas lui aussi tué par erreur. Il aurait fallu que les types qui préparent le coup ne se retrouvent pas éparpillés aux quatre coins de la ville, planqués dans des caves et des entrepôts. Il aurait fallu que cette affaire-là ressemble à ce que l’on connaît. Seulement qui pouvait prévoir que tout repose entre les mains d’une gamine encore au lycée, de cette petite gauloise mystérieuse et prête à tout pour que sa vie ait un sens.

Vivonne, La Table Ronde, 2021. Dans un monde perturbé par les calamités météorologiques, dévasté par un état de guerre civile favorisé par l’accession au pouvoir de l’extrême droite, il existe un moyen de se sauver et, peut-être, de sauver le monde : les mots d’un poète. Avec ce pitch, on retrouve directement les thématiques habituelles de Jérôme Leroy : un monde futuriste où l’extrémisme a pris le pouvoir (la République des Dingues), un dérèglement général de la société, du climat, des humains, et une résistance qui s’organise autour du pouvoir de la poésie et les mots d’un homme, Vivonne, dont les textes sont vénérés au même titre que des paroles bibliques.

Pour les jeunes : Norlande (2013), Syros, coll. « Rat noir » – Nombreux prix ! Roman qui transpose la tuerie d’Utoya à travers le personnage d’une jeune fille qui se reconstruit après le massacre ; le roman rencontre le succès et reçoit de nombreux prix.