THE PLACE BEYOND THE PINES, de Derek Cianfrance

Film
Bien
Très bien
Un Must
Valse à 3 temps

Le pitch

Cascadeur à moto itinérant, Luke se déplace de ville en ville pour livrer son spectaculaire numéro (Le globe de la mort…). Lorsqu’il découvre sur sa route l’existence d’un fils, il décide de se sédentariser (dans l’Etat de New-York) pour subvenir aux besoins de ceux qui sont désormais sa famille. Il ne choisit pas la voie la plus sûre ni la plus légale… Luke va bientôt croiser la route d’un jeune policier aux dents longues, Avery Cross. Jeune papa d’un petit garçon également. Un drame familial et un grand film noir et racé. Une belle histoire de filiation et de rédemption. Avec THE casting de rêve.

Pourquoi je vous le conseille ?

Pour l’ambiance sombre et sobre parfaitement maîtrisée, filmée dans un rythme lancinant au spleen omniprésent dont il est difficile de se défaire. Car la construction en trois actes, aux multiples virages narratifs, nous offre des points de vue variés et complémentaires sur un drame original. Pour le casting, parfait. Car c’est un grand récit romanesque et intimiste, aussi âpre et rugueux que ses personnages.  Pour la scène introductive qui en impose, avec ses longs travelings, sa caméra mobile, ses gros plans intenses et la bande son oppressante de Mike Patton (chanteur du groupe de hard Faith No More). Car le réalisateur a mis dans ce film sa sincérité d’homme bousculé par sa propre expérience de la paternité.

CASTING ROYAL. Formant un tandem de choc avec le réalisateur Derek Cianfrance (Blue Valentine en 2010 et The Wolfman en 2021), Ryan Gosling crève l’écran dans ce rôle de bad boy blond peroxydé aux allures d’ado rebelle, couvert de tatouages outranciers, sillonnant la vie à moto à la recherche de sensations fortes. Un cousin éloigné du Motocycle Boy immortalisé par Mickey Rourke dans Rusty James (Ramble Fish, 1983, Francis F. Coppola), tout aussi sombre, taiseux et mélancolique. L’acteur canadien sait à merveille jouer cette retenue que l’on sent prête à exploser. Une tête brûlée certes, mais au tempérament beaucoup plus complexe qu’il n’y parait de prime abord, et pour qui le fait de devenir père va radicalement changer la donne. Une composition d’autant plus forte qu’il forme un couple impossible et émouvant avec Eva Mendès (future Mme Gosling). Un charisme et une présence fantomatique qui débordent sur l’ensemble du film, alors même que les performances de Bradley Cooper et Dane DeHaan (entre autres) méritent également le détour.

DRAME EN TROIS ACTES. Ce film est étonnant à plus d’un titre. Par ses ruptures de ton et de récit. Par son drame intimiste qui s’étire sur plusieurs générations. Par le scénario qui fait le choix ambitieux de découper cette saga familiale en trois actes successifs selon un principe feuilletonnant où l’effet papillon joue à plein. Un événement dramatique, aussi violent que fulgurant, va radicalement impacter le destin des familles impliquées, sur plus d’une génération, vacillant sour le poids de la filiation et de l’héritage. Le questionnement sur le fatalisme social et familial court ainsi sur deux décennies : les enfants sont-ils voués à répéter les mêmes erreurs que leurs parents ? La question même que s’est posée le réalisateur à la naissance de son deuxième enfant, à l’origine de ce film poignant inspiré de sa propre expérience.

AMÉRIQUE WHITE-TRASH. Derek Cianfrance nous livre sa vision d’une certaine Amérique. Celle des middle-class, des villes désertées et des banlieues pavillonnaires sans âme. Des mères-filles courageuses, des pères absents, de la violence héréditaire et de la pauvreté. Des instances policière et politiques corrompues. Difficile d’envisager un avenir dans ce contexte social, familial, urbain, où le temps semble suspendu, et qui ne décrit finalement rien d’autre que la faillite de l’American way of life. Reprenant les motifs chers aux grands classiques hollywoodiens, des westerns de Ford aux mélos de Minelli : les foyers condamnés par la violence, la figure du bien ambivalente ou l’obsession absurde de vengeance.

Partager :
FacebookTwitterEmail

La fiche

Titre français :

Titre original :

Réalisation :

Scénario :

Casting :

Nationalité :

Langue de la VO :

Année de sortie :

Durée :

Couleur / noir et blanc :

Si vous avez aimé, découvrez du même auteur

Un premier long-métrage en 1998, Brother Tied, sur la relation compliquée de deux frères, réalisé à 24 ans, salué par la critique au festival de Sundance, mais jamais distribué.

Blue Valentine (2010). Derek Cianfrance filme un drame amoureux intense mais intimiste, le trajet d’un couple jusqu’au point de rupture qui tient tout entier dans l’alchimie du duo Michelle Williams/Ryan Gosling.

I know this much is true (2020). Série créée par Derek Cianfrance. 6X60, sur OCS. Avec Mark Ruffalo. Melissa Leo, John Procaccino. Le destin de deux frères jumeaux, Dominick et Thomas Birdsey, dans l’Amérique de la seconde moitié du XXème siècle.

À découvrir ailleurs, dans la même ambiance

The Yards (2000) de James Gray. Avec Mark Wahlberg, Joaquin Phoenix, Charlize Theron. A sa sortie de prison, Leo Handler revient chez lui avec un seul but : rester dans le droit chemin. Il trouve du travail chez son oncle Franck, patron de l’Electric Rail Corporation, qui règne sur le métro dans le Queens. Son ami de toujours, Willie, l’initie aux méthodes de la société. Leo découvre la face cachée des florissantes opérations. Magnifique film noir.

 Gone Baby Gone (2007) de Ben Affleck. Avec Casey Affleck, Michelle Monaghan, Morgan Freeman. INT -12 ans. Dans une banlieue ouvrière de Boston, la petite Amanda a disparu. Après l’échec des recherches menées par la police, la tante et l’oncle de l’enfant décident de faire appel à des détectives privés du coin, Patrick Kenzie et Angie Gennaro.

Copland (Cop Land, 1997) de James Mangold. Avec S Sylvester Stallone, Harvey Keitel, Ray Liotta. Dans cette bourgade baptisée Copland (« la ville des flics »), on se serre les coudes lorsqu’un copain commet une bavure. Mais le shérif, une épave, se réveille et songe à faire triompher la loi.