QUAI DES ORFÈVRES, de Henri-Georges Clouzot

Film
Bien
Très bien
Un Must
Mensonge généralisé

Le pitch

Dans le Paris froid et miséreux de l’immédiat après-guerre, le soir de Noël, un vieux pervers est retrouvé assassiné. L’inspecteur Antoine va mener l’enquête dans le milieu fascinant et interlope du music-hall dont il ignore tout. Sous ce prétexte fallacieux d’intrigue policière, Clouzot va nous parler d’amour et de mensonge, au nez et à la barbe de la censure.  Un chef-d’œuvre. Tout simplement. Dès 8/10 ans.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car Clouzot nous offre une atmosphère unique et poétique d’un Paris aujourd’hui disparu. Car les acteurs sont tous prodigieux et touchants. Parce que ce film qui suinte la poisse et la misère est avant tout un grand film d’amour. Pour l’interprétation malicieuse de la chanson Avec son tralala par Suzy Delair, compagne à l’époque du réalisateur. Car j’ai un gros faible pour Clouzot, Blier, Jouvet et Delair et qu’ils sont tous les quatre réunis dans ce grand film noir. Un Must.

L’AMOUR, TOUJOURS L’AMOUR. Et dire que la censure n’y a vu que du feu. « Vous êtes un type dans mon genre… ». Quand l’inspecteur Antoine (incroyable Jouvet) lance cette phrase à Dora, on comprend qu’au cœur de ce magnifique film noir se love le sentiment amoureux. Celui que Dora éprouve pour Jenny. Jenny pour Maurice et inversement. L’inspecteur Antoine pour son fils. Maurice pour Dora… Qu’il soit filial, lesbien, conjugal, amical… L’amour peut tout expliquer, même et surtout les actes délictueux voire criminels perpétrés en son nom. Dans ce film tout le monde ment, triche, dissimule car les sentiments poussent au crime, c’est bien connu ! Mais ils excusent aussi en partie ceux-là mêmes qui les commettent. Et Jouvet de camper un inspecteur d’une grande humanité qui tente de démêler la vérité au milieu de la masse de faux témoignages et autres duperies qui paralysent l’enquête.

POUR LE VOYAGE DANS LE TEMPS. Nous sommes immergés dans l’univers du music-hall alors que Paris en 1947 ne mange pas à sa faim. On y croise des acrobates, des animaux, des orchestres, des femmes à fourrure et des hommes en chapeau de feutre, des salles de théâtre pleines où les gens fument et s’embrassent… Clouzot nous offre un voyage temporel exotique inoubliable au milieu des petites gens du cabaret, auxquels il rend un bel hommage.  Car Clouzot éprouve une grande affection pour ses personnages, aussi veules qu’ils puissent apparaître de prime abord. Si Louis Jouvet incarne une certaine majesté populaire avec son regard perçant d’inspecteur de police lucide et revenu de tout, au bout du bout, la loi triomphera des plus humbles, comme le glisse un chauffeur de taxi (touchant Pierre Larquey) à Dora : « Je vous fais bien mes excuses, mais on n’est pas les plus forts. »

UN RÉALISME POÉTIQUE TYPIQUEMENT FRANÇAIS. La représentation sensible des milieux populaires ancre le film dans une certaine tradition du film policier des années 40. Un polar mâtiné de réalisme politique qui se pare de dialogues sophistiqués (l’âge d’or d’un Jacques Prévert dialoguiste), avec une omniprésence de la nuit, ici typiquement parisienne. Une réalité déformée voire onirique qui fait tout le charme des film noirs de l’entre-deux guerres. Avec aussi et bien sûr ses acteurs et actrices stars dont la gouaille et la présence sont inégalés et irremplaçables.

Un dernier détail : au Moyen Âge, des orfèvres vendaient leurs merveilles dans cette bâtisse sise au 36 du quai du même nom. Au XIXe, le Quai des Orfèvres devient le lieu où les Parisiens venaient acheter leurs poulets (d’où le fameux surnom qui adviendra des années plus tard). Désormais, la police judiciaire a quitté le quai des orfèvres pour s’installer aux Batignolles place de Clichy.
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La fiche

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Couleur / noir et blanc :

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Je suis une grande fan de Clouzot dont la filmographie témoigne de son influence majeure sur le polar français des années 40 et 50.

L’assassin habite au 21 (1941), avec (notamment) Pierre Fresnay et Suzy Delair. Un film policier délicieux et léger avec d’immenses acteurs. Déjà adapté du roman éponyme de Stanislas-André Steeman. Dès 8 ans.

Le Salaire de la peur (1952), film au grand retentissement adapté d’un roman de Georges Arnaud. L’épopée d’un camion rempli de nitroglycérine, conduit par deux aventuriers (Yves Montand et Charles Vanel) risque-tout. A partir de 10 ans.

Dans La Vérité (1960), Clouzot fait jouer al star B. B. trois ans avant Le Mépris (de Godard). Un rôle dramatique où elle s’avère (positivement) surprenante. Dès 12 ans.

À découvrir ailleurs, dans la même ambiance

Dans la même veine de réalisme poétique, Le jour se lève (1939) de Marcel carné est un film magnifique. Un drame de l’amour avec Jean Gabin, Arletty, Jules Berry et Jacqueline Laurent.

Panique (1946), de Julien Duvivier où Michel Simon livre une interprétation saisissante de Monsieur Hire. Un coupable idéal…

Manèges (1949), d’Yves Allegret. Avec Simone Signoret et Bertrand Blier. Un grand film noir qui est aussi une déchirante histoire d’amour.