LES DIABOLIQUES, de Henri-Georges Clouzot

Film
Bien
Très bien
Un Must
Tableau noir

Le pitch

Saint Cloud dans les années 50. Excédées, la femme et la maîtresse d’un directeur de pensionnat odieux et tyrannique, s’associent afin de l’empoisonner. Un jeu sadomaso célébrissime filmé par Clouzot, dans une ambiance sinistre et délabrée. Un must (dont il ne faut jamais au grand jamais dévoiler l’intrigue).

Pourquoi je vous le conseille ?

Pour l’atmosphère singulière des salles de classes, bercée par la morosité d’un pensionnat miséreux d’une France à peine remise du fracas de la guerre. Car ses acteurs sont immenses, coincés dans un jeu cruel du chat et de la souris tout à fait réjouissant. Parce que Clouzot est un réalisateur de grand talent qui sait restituer des ambiances oppressantes où règne la médiocrité humaine avec ses rancœurs, ses haines, ses petites jalousies. Pour le suspens habile, les rebondissements, une certaine scène culte…

UNE SCÈNE CULTE. Certains films sont tout entier contenus dans un de leurs plans. Psychose et une certaine douche… Pour Les Diaboliques, le plan en question montrerait plutôt une baignoire. Je me garderais bien d’en dire davantage sous peine de sévères représailles et pour laisser la surprise intacte à l’égard des spectateurs non avertis. D’ailleurs, lors de sa sortie, le film s’achevait sur un panneau à l’adresse du public réclamant de ne pas « être diabolique » et de garder pour soi ce qui venait d’être montré. Quelques années avant, Hitchcock imposait des directives similaires pour Psychose, justement. Les Diaboliques fut le plus gros succès public de la carrière de Clouzot (sans être son meilleur, il faut ici l’avouer), aidé par une campagne promotionnelle utilisant son mystère comme un moyen d’attiser la curiosité des foules. On ne fera pas exception dans cette chronique.

PAS UN POUR RATTRAPER L’AUTRE. Certains déclarent que Les Diaboliques est un film aqueux, qui suinte et sent la pourriture humide. Il est vrai que dès le premier plan qui voit une voiture roulant dans une flaque, écrasant le bateau en papier confectionné par un enfant, jusqu’à la piscine d’eau stagnante qui trône dans la cour du tout aussi misérable du pensionnat, l’eau fait office de révélateur de la moisissure de cœurs. Clouzot, qui n’a eu de cesse de dénoncer la médiocrité humaine, se régale ici avec sa galerie de personnages tous autant haïssables qu’impitoyables. Où l’on retrouve une petite communauté de minables, noyautée par les rancœurs et la haine. Une ambiance oppressante qui n’est pas sans rappeler celle de la petite ville asphyxiée par les lettres anonymes dépeinte dans son chef d’œuvre, Le corbeau (1943).

VERA ET HENRI-GEORGES. De tous les avis, la relation du couple était forte. Il était fou d’elle et lui accordait une estime qu’il ne consentait que rarement. Artistiquement, elle l’accompagnera sur tous ses projets et sera notamment co-scénariste sur La Vérité (1960).  C’est elle aussi qui lui soufflera l’idée d’adapter le roman de Boileau-Narcejac Celle qui n’était plus (sur lequel Hitchcock avait des vues – il finira par adapter une autre de leurs œuvres, D’entre les morts, qui deviendra Vertigo). Adaptation pour laquelle Henri-Georges réécrit le rôle-titre de la femme criminelle fragile du cœur pour sa femme. Mais Vera n’est pas une bonne actrice.  Elle n’a tourné que trois films dans sa carrière, pour son mari (Le Salaire de la peur (1953), Les Diaboliques (1955) et Les Espions (1957). Dans tous les cas, des rôles de femme humiliée, trahie, au bout du rouleau. Sa prestation dans Les Diaboliques est, de loin, la meilleure. Où sa fragilité et sa complexité ressortent le mieux, de manière presque morbide lorsqu’on sait qu’elle mourra précocement en 1960, d’une crise cardiaque, à l’âge de 46 ans. Un mauvais coup du sort.

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La fiche

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Henri-Georges Clouzot (1907-1977) est un metteur en scène majeur de l’après-guerre dont certains chefs-d’œuvre demeurent incontournables.

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