LES FAUSSAIRES DE MANHATTAN, de Marielle Heller

Film
Bien
Très bien
Un Must
Arnaque littéraire

Le pitch

Après avoir écrit une biographie sur Estée Lauder ayant rencontré un joli succès de librairie 10 ans auparavant, l’irascible Lee Israel titube d’échec en échec quand démarre le film. Son éditrice ne la suit plus et Lee, la cinquantaine bien tassée, doit trouver un autre moyen de subsistance. Avec l’aide de son ami Jack, également aux abois, elle met au point une embrouille littéraire apparemment imparable. Quoique… Un thriller d’arnaque, intelligent et original, inspiré d’une histoire vraie.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que cette adaptation de l’autobiographie de Lee Israël, écrivaine et faussaire arrêtée par le FBI en 1993, est l’occasion de découvrir le milieu littéraire new-yorkais en pleine mutation des années 90. Méconnu (de moi en tout cas) et passionnant. Car la performance à contre-emploi de la comique Melissa McCarthy, nommée aux oscars, est épatante, touchante et délicieusement caustique (alors que le rôle devait initialement incomber à Julianne Moore). Pour Jack, irrésistible dilettante, magnifique looser et complice facétieux (génial Richard E. Grant). Un pur délice d’empathie et de lucidité, d’humour et de mélancolie. Dès 10 ans.

POUR LE DUO DE PIEDS NICKELÉS. Si elle a connu par le passé quelques succès littéraires avec ses bios de grandes figures féminines américaines, Lee n’est pas du tout prête à se remettre en question pour relancer la machine. Plutôt crever que de céder aux sirènes de la facilité commerciale ! Sur la paille, aimable comme une porte de prison, cette autrice alcoolique va préférer monter une arnaque littéraire, en duo avec son acolyte Jack Hock, gay (comme Lee), sans domicile et séropositif, aussi solitaire et caustique qu’elle. Richard E. Grant (Withnail and I en 1989) joue magnifiquement ce farfadet vieillissant, qui court de toutes ses forces pour garder une longueur d’avance sur le désespoir. Il est aussi drôle que dépourvu de scrupules et paie ses notes de bars en vendant de la cocaïne coupée de laxatif. Le complice idéal pour accompagner cette arnaque rendue émouvante par la grâce de ces deux grands enfants terribles et néanmoins efficaces puis qu’on leur attribue quelques 400 faux dont certains étaient si bien faits qu’ils se sont retrouvés dans des biographies officielles et autres bibliothèques voire musées.

LA RÉDEMPTION PAR LE CRIME LITTÉRAIRE. Le métier de faussaire rendra sa fierté à une autrice oubliée, méprisée par le milieu qui hier l’encensait. C’est en falsifiant de son appartement rempli de vieilles machines à écrire (qui sont autant d’armes du crime) des lettres dans les règles de l’art, qu’elle devient attachante, fière de son talent singulier pour se fondre dans le style et l’esprit des auteurs et acteurs décédés. Et aussi immorale qu’elle soit, cette arnaque créative et érudite offre aux deux réprouvés un chemin pour rejoindre le reste du genre humain.

LA DÉCOUVERTE D’UN MONDE DISPARU. Celui du milieu littéraire new-yorkais des années 1990. Où l’on suit Lee dans son quotidien d’écrivaine fauchée, pique-assiette dans les soirées mondaines où se pavanent les écrivains en vogue. En balade dans le Greenwich Village érudit où essaiment nombre de librairies attachées aux belles lettres. Un petit monde de collectionneurs dont les tractations à mi-voix sont dignes d’un film d’espionnage. Un univers empreint de mélancolie qui fleure bon le Bourbon et les nuits sans fin où, accoudés au zinc, on évoque en connaissance de cause Dorothy Parker ou Noel Coward. Une certaine saveur érudite et d’entre soi, proche d’un Woody Allen post Manhattan. Où l’on voit les quartiers malfamés du sud de Manhattan commencer leur cure de gentrification tandis que le monde gay est ravagé par l’épidémie de sida. Une page se tourne.

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La fiche

Titre français :

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Couleur / noir et blanc :

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