LE SERMENT DE PAMFIR, de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk

Film
Bien
Très bien
Un Must
Tragédie d’apprentissage

Le pitch

Dans les confins ruraux de l’Ukraine, à la frontière de la Roumanie, région d’intenses trafics. Ce conte baroque et noir raconte le combat d’un père contre un omnipotent baron local, M. Oreste, qui ne porte pas pour rien un nom d’Atride. Un père qui replonge malgré lui dans la contrebande pour sauver l’avenir de son fils. Une claque. Une puissance visuelle et narrative exceptionnelle. Une tragédie d’actualité qui raconte un monde âpre et insoupçonné, pourtant à notre porte. Un must. Révélé à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car ce premier film de l’ukrainien Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk (39 ans), réalisé juste un peu avant l’invasion russe, est un vrai coup de maître, entre western et film noir. Parce qu’il est rare de faire une réelle, belle découverte de cinéma. Parce que « si l’Occident a découvert le conflit russo-ukrainien Le 24 février 2022, c’est notre réalité depuis l’invasion de la Crimée en 2014. » nous fait prendre conscience ce jeune réalisateur. Pour la beauté des images, la maestria formelle, la performance incandescente des acteurs (tous locaux), la découverte d’une culture, la revendication politique qu’il nous livre. Bien qu’imprononçable, Sukholytkyy-Sobchuk est désormais un nom à retenir.

UNE MAGNIFIQUE HISTOIRE DE PÈRE SACRIFICIEL. Leonid, surnommé Pamfir (qui signifie « pierre »). Incarné par l’incroyable Oleksander Yatsentyuk. Larges moustaches tombantes. Stature de lutteur. Solide comme un roc. Ce rude père de famille vit éloigné de sa famille afin de pouvoir la faire vivre. Il est allé travailler en Pologne pour ne plus obéir aux règles de cette zone de l’ouest de l’Ukraine frontalière avec la Roumanie : vivre de la contrebande et se soumettre à la corruption généralisée. Un homme qui a fait le serment de rester dans le droit chemin, après un passé que l’on comprend chargé et délictueux, par amour pour sa femme Olena et leur fils, Nazar. On sent bien l’amour fou, inconditionnel, que cette famille partage. Et l’obsession de Leonid : offrir un meilleur avenir pour son fils, loin des trafics et de cette soumission à la loi de la mafia. Pas si simple. Il va devoir régler une dette afin que son fils échappe, lui, à l’ignorance et à la bestialité. Et si Leonid aimerait ne se plier à aucun Dieu ni maître, comme souvent dans les polars du « dernier coup », tout va finir par déraper. Et Pamfir de se retrouver aux prises avec « Monsieur Oreste », monstre froid et cruel, apôtre du mal absolu qui tient sous son contrôle jusqu’à l’Église.

UNE RÉSONNANCE POLITIQUE. Comment ne pas voir dans ce film de genre les personnages d’une nation ukrainienne qui tente par tous les moyens de sortir de la sphère d’influence de la Russie, au risque de sa souveraineté, de sa existence même. Englués dans la boue, perdus dans l’obscurité de la forêt des Carpates, menacés de mort permanente par un despote qui règne en maître sur les âmes du village et s’octroie le droit de vie ou de mort sur tout ce qui vit dans la région, les acteurs de ce drame baroque n’entament pas moins une longue marche vers la lumière. Essaient de trouver l’issue au bout du tunnel avec un courage et une détermination qui inspirent le respect. Une narration qui confine à la mythologie lorsqu’une vieille femme précipite une malédiction sans le savoir.

UN CONTE MYTHOLOGIQUE. Le film trouve son apothéose le jour de la Malanka. Une fête rituelle, entre carnaval et bacchanale, entre culte païen et chrétien, qui voit dans la nuit du 13 au 14 janvier les habitants coiffer des masques totémiques. Où les hommes se déguisent en bêtes (ours, boucs, loups) et se défient au combat. « Cette tradition est très vivace, on la cultive pour ne pas perdre notre identité, explique le réalisateur. On boit, on chante, on danse. On fabrique aussi nos costumes. Ils illustrent la dualité entre l’homme et l’animal, la civilisation et la sauvagerie. » Un carnaval, qui renvoie, comme souvent, aux notions de mort et de renaissance et qui sert de réceptacle et d’amplificateur à cette histoire de père qui se bat et se sacrifie pour l’avenir de son fils. Une fête qui offre aussi une apothéose à la photographie, aux couleurs incendiaires, aux travellings avant et arrière majestueux. Une beauté visuelle faite de nuit cramoisie et d’aube froide et bleutée qui marque autant qu’elle fascine.

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La fiche

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