FRED, de Pierre Jolivet

Car c’est un film extrêmement attachant et humain. Pour les acteurs ; le sourire de Clotilde Courau, la présence massive de Vincent Lindon, la nonchanlance de François Berléand. Pour l’atmosphère singulière et rugueuse. Parce que la bande son, leitmotiv lancinant, accompagne subtilement ce thriller social intense et maîtrisé. Car c’est la première et meilleure des 4 collaborations* entre Pierre Jolivet et Vincent Lindon.

*Ma petite entreprise (1999), Le frère du guerrier (2002), Je crois que je l’aime (2006).

CHRONIQUE SOCIALE. Zones pavillonnaires délabrées, parkings de supermarchés déserts, terrains vagues, usine désaffectée… Le contexte de Fred est posé. Il est grutier au chômage. Elle est standardiste dans un labo et doit vivre avec les regards en coin de son patron. Une banlieue sinistrée où des hommes errent, en quête d’un sens à donner à leur vie. Pierre Jolivet filme sobrement cet univers masculin sans horizons où le danger rôde, révélé par des détails qui troublent un quotidien par ailleurs d’une très grande monotonie. Le scénario âpre et sobre colle au réel. Un fait banal déclenche un engrenage infernal pour notre héros : tout cela est conté de manière réaliste et factuelle, sans étincelles mais avec beaucoup d’humanité. (Amateurs d’émotions fortes, abstenez-vous !).

L’AMOUR ET L’AMITIÉ. Heureusement pour Fred, il y a Lisa. Ils s’aiment d’un amour inconditionnel. C’est pour elle qu’il arrive à maintenir sa tête hors de l’eau et qu’il se bat pour conserver sa dignité, du moins ce qu’il en reste. Il y a les potes aussi. Très important les copains. Fred, il peut compter sur Michel, comme Michel compte sur Fred. Cette fraternité envers et contre tout, si précieuse dans l’adversité, est un refuge qu’il faut préserver. C’est aussi de cette force que pourrait venir le danger. Misère de misère.

DES ACTEURS JUSTES ET TOUCHANTS. Abordant la quarantaine, Vincent Lindon amorce avec Fred une nouvelle phase de sa carrière. Avec ses rouflaquettes, sa moustache et sa bedaine naissante, il s’éloigne radicalement des rôles de jeunes premiers qu’il incarnait jusqu’alors chez Claude Lelouch, Diane Kurys ou Claude Pinoteau, pour révéler une vraie puissance dramatique. Il est parfaitement juste en ouvrier syndicaliste sans perspectives, embringué malgré lui dans un trafic sordide, dénonçant les dysfonctionnements de nos démocraties imparfaites. Son omniprésence à l’image n’oblitère pas les personnages secondaires très bien dessinés. Clotilde Courau : la jeune amoureuse charmante, désarmante, courageuse. François Berléand : le policier intègre, cynique et désespéré. Petit rôle discret en flic compréhensif pour Roschdy Zem (également au casting de Ma petite Entreprise) et qui deviendra l’ acteur fétiche de Jolivet dans La Très Très Grande Entreprise (2008), Mains armées (2011) et Les Hommes du feu (2017).