TYLER CROSS, de Fabien Nury et Brüno

BD
Bien
Très bien
Un Must
Polar westernisé

Le pitch

« Tyler Cross transporte 17 kilos de came, d’une valeur d’un demi-million à la revente au détail. Et il a exactement 21 dollars et 81 cents en poche. Il note l’ironie de la chose et se met en marche. » Tyler Cross est un braqueur efficace et mutique. Un dur de dur héritier des héros hard-boiled à la Hammett que l’on retrouve avec plaisir dans trois volumes de grande qualité. Pour le tome 1 on découvre un polar aux accents de western porté par un dessin expressionniste et puissant. Au succès grandement mérité.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car ce polar furieux et truffé de références nous téléporte dans une Amérique fantasmée de l’après-guerre. Poussiéreuse, corrompue et désenchantée. Pour les dialogues savoureusement ironiques, l’inventivité de la mise en scène, les références et hommages divers et variés, cinématographiques et littéraires. Car en quatre-vingt-dix planches d’une grande densité, le trio Brüno, Nury, Croix nous offre un polar mâtiné de western et de road-movie, efficace et maîtrisé.

TYLER, UN DUR PARMI LES DURS DU GENRE. Un mélange de Humphrey Bogart, Lee Marvin et Jack Palance qui tirerait sur tout ce qui se met en travers de son chemin de hors la loi. Soit un gangster ultra classe à la gueule carrée et au regard insondable. Un héros archétypal aux motivations égoïstes qui ne recule pas devant les moyens (violents vous l’aurez compris) qui s’imposent pour arriver à ses fins. Un personnage noir, très noir, mais non dénué d’un second degré et de micro-pulsions humaines salutaires. Pléthore de références nous rendent Tyler finalement très familier. Il a l’élégance et le flegme d’un James Bond. La froideur et la brutalité d’un Clint dans la peau de l’Inspecteur Harry ou dans celle de l’homme sans nom de l’Homme de Hautes Plaines. Un homme charmant… avec un certain humour trash revigorant.

UN GRAPHISME QUI CONFINE À L’ÉPURE. « Tyler Cross est un héros laconique et pragmatique, dont le visage doit véhiculer à la fois la neutralité et la dureté. Mon dessin minimaliste, non réaliste, convient bien à un récit violent : son symbolisme évite le voyeurisme. » Brüno décrit ainsi son graphisme stylisé qui pourra dérouter. Un trait anguleux qui joue l’ombre et la sécheresse à merveille. Du grand art. Alors même que l’épure du dessin s’avère d’une grande efficacité grâce à la liberté d’interprétation qu’il permet. Où les personnages archétypaux, aux yeux souvent vides, insondables, provoquent un effet étrange et fascinant. Une abstraction rehaussée par un travail remarquable de mise en couleurs par Laurence Croix qui produit des ambiances saisissantes dans des couleurs flashy mais pas expressionnistes de façon voyante, au service de l’action.

UNE MISE EN SCÈNE INVENTIVE. La mise en scène originale, sans temps mort ni coups de mou, transforme cette série en véritable page turner. Le découpage de certaines scènes y est proprement bluffant aussi bien dans sa lisibilité que son efficacité avec une utilisation récurrente du format scope horizontal, très régulièrement brisé par des moments d’accélération verticale.  Une mise en scène qui favorise clairement l’impact et l’action, dans un style alerte et fragmenté par des changements de temporalité et de points de vue. Dont un passage surréaliste où l’on se place du point de vue d’un serpent… Les allers retours que le narrateur se permet à l’intérieur des personnages est aussi étonnant qu’instructif quant à leurs motivations et leurs profils psychologiques. Où le plus souvent on se rend compte qu’ils ne savent pas bien ce qu’ils font et où ils en sont, au rythme de dialogues savamment ironiques.

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