ENGRENAGES, d'Alexandra Clert

Série TV
Bien
Très bien
Un Must
Big bang dans le polar français

Le pitch

Un crime a lieu dans Paris ou sa proche banlieue. La série analyse les points de vue de chacun des protagonistes qui participe à l’enquête. Car chaque rouage de l’engrenage compte dans la résolution d’une affaire. Des enquêtes où se croisent et collaborent un procureur, une capitaine de police et son groupe, un juge d’instruction, des avocats.

La première Création originale de Canal+ provoquera un petit séisme à sa naissance en 2005 dans le monde compassé du feuilleton policier pépère à la française. Faisons un tour d’horizon non exhaustif sur les particularités de cette série pionnière.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que cette série a jeté un pavé dans la mare des feuilletons TV policiers pour ouvrir la brèche d’une nouvelle fiction policière française, plus réaliste. Car en cassant les codes avec talent et succès, Engrenages lance ce qui deviendra la Création originale Canal +, à l’origine de quelques beaux bébés. Pour la B.O. de Stéphane Zidi, notamment la trouvaille des cloches balinaises du générique. Pour toute la brochette d’acteurs très justes, totalement inconnus au lancement de la série et qui sont devenus presque familiers ; des potes qu’on a plaisir à retrouver à chaque nouvelle saison. Parce qu’après 15 années passées en leur compagnie, à les voir évoluer, grandir, vieillir comme nous, avec nous, on a eu du mal à les quitter.

COMME LES AMÉRICAINS. Flashback. En 2000, les Américains ont HBO, Les Sopranos et Six Feet Under. Les Français ont TF1, Julie Lescaut et Navarro. Cherchez l’erreur. Mais Canal + était à son apogée et désireuse de se lancer dans la fiction, à sa manière d’alors, singulière. Engrenages naît de ce contexte et de cette envie de la chaîne cryptée de marquer une vraie différence. Par le format tout d’abord : une série feuilletonnante (on réfléchit en saisons entières pour résoudre une affaire et non plus en épisodes bouclés) avec des épisodes de 52 min (au lieu des 90 min habituelles à lépoque). Par sa narration où une galaxie de personnages est au centre de l’intrigue (et pas un seul héros surpuissant). Par son parti-pris réaliste surtout qui est au cœur du concept. S’inspirer de la réalité, du fait divers, pour ensuite broder du romanesque sur cette trame et non l’inverse. Engrenages déboula sur les écrans en prouvant qu’il était possible d’envisager une fiction policière moderne, plus réaliste, à l’américaine, inspirée de la réussite de ses aînées The Wire ou Hill Street Blues. Une petite révolution.

UN NOUVEAU RÉALISME. Créer des personnages complexes, ambigus, qui échouent plus souvent qu’à leur tour : Engrenages a lancé ces nouveaux codes dans l’univers des polars franchouillards de l’époque, plus prompts à proposer des héros redresseurs de torts, moralement irréprochables et positifs, dont la profession de flic n’impactait pas la vie perso. La série parle d’une société française irréconciliable et cherche à en saisir la vérité sociale, politique et institutionnelle à partir d’intrigues inspirées par des faits divers, témoignages, articles de journaux… Avec Engrenages débarquent à l’écriture et sur les plateaux, des consultants issus de la vie civile qui apportent, au scénario et à l’interprétation, leur noireur réaliste. Juges, procureurs, commissaires de police, gardiens de prisons, taulards… Tous les milieux sont scrutés, documentés, questionnés pour nourrir la série dont le concept même est de décrire les rouages de milieux parmi les plus fermés (la police, le système judiciaire, la prison, le microcosme médical…). Les repérages sont clés car la mise en scène procède du même principe de réalité : jusqu’à 50 semaines de travail sont nécessaires pour identifier des lieux vierges, quartiers sensibles ou cités, rendus accessibles grâce à la popularité de la série. Un travail documentaire qui crève l’écran et qui explique probablement pourquoi policiers comme détenus apprécient la série vécue comme un témoignage fidèle de leur réalité.

PANAME SERA TOUJOURS PANAME. Paris et sa banlieue sont indissociables de la série. Une ville filmée en mouvement, délestée de son pittoresque, et où les personnages y sont plongés en immersion totale, physique, auditive et sensorielle. Un Grand Paris qui se concrétise à coup de traversées en métro, RER,  trains de banlieue et voies périphériques. Une ville filmée sous toutes ses coutures. Où l’on découvre le Paris des foules, de l’activité intense et des courses-poursuites effrénées. Mais aussi le Paris des interstices vides, des lieux abandonnés, reflets de la désolation des existences de certains personnages. Le Paris des lieux de Pouvoir (Palais de Justice, cabinet d’avocats), centralisés dans les quartiers riches. Et celui des flics et des voyous, repoussés à la périphérie, dans les quartiers plus populaires. Engrenages raconte en particulier l’est parisien où sévit la 2ème DPJ. Un Paris contemporain reconnaissable à son empilement architectural et dont l’évolution est parfaitement visible au fil des saisons.

UN POLAR ENGAGÉ. Le Paris populaire, assez peu exploité dans la fiction française, permet à Engrenages d’aborder des questions brûlantes d’actualité liées à la corruption, à l’immigration, aux travailleurs clandestins, aux cités. Engrenages n’est pas tendre avec les institutions judiciaires et s’efforce d’en dénoncer la noirceur, les dérives et les excès. Dans la société décrite par la série, rien ne va plus et seuls quelques individus solitaires et idéalistes arrivent encore à résister. Pour eux, la fin justifie les moyens. Dans la bouche du juge Roban, le constat est amer « La justice aujourd’hui est un jeu de dupes et de pouvoir… L’espèce humaine ment, triche, trahit donc si vous n’arrachez pas la vérité, vous ne l’obtenez jamais. » Mais même si la série n’a pas toujours su éviter une forme de caricature, son humanité et son souci de réalisme la placent quoiqu’il arrive parmi les toutes meilleures séries policières françaises ever.

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La fiche

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