DE SANG FROID, de Truman Capote

Livre
Bien
Très bien
Un Must
Sans mobile apparent

Le pitch

Le récit véridique, ultra documenté, d’un fait divers crapuleux. Le meurtre, pour un butin dérisoire, de quatre membres d’une famille de fermiers du Kansas. Dans un style d’une rare perfection, Truman Capote inaugure avec De Sang Froid un nouveau genre, le true crime, qui a influencé et changé la littérature mondiale pour des décennies. Jusqu’à aujourd’hui. Hissant au rang des beaux-arts une forme supérieure de reportage. Un récit addictif et inédit, d’une rare densité.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car Truman Capote, l’une des plus grandes figures de la littérature contemporaine, réinvente le roman avec ce chef-d’œuvre précurseur du genre non-fiction novel qui continue de faire bien des émules : une littérature du fait divers mettant en scène des personnages célèbres, sans les fards du roman à clé. Car c’est un roman passionnant, immense succès à sa sortie, qui va préfigurer la chute de l’écrivain. Pour le style d’une rare perfection (à la virgule près) : discret, équilibré, élagué.  Avec jusque ce qu’il faut de suspense. Car en reprenant les faits véridiques et glaçants, où la réalité s’avère plus sombre que la fiction, Capote essaie de justifier l’impensable, s’applique à redonner un nom aux victimes et un passé aux meurtriers.

L’ABSOLUE VÉRITÉ DU CRIME. Rien n’est inventé dans ce « roman- vérité » qui relate le drame en restant au plus près des faits. Avec impartialité. Une œuvre qui annonce la naissance d’un nouveau genre qui fera florès : le roman du réel qu’illustreront à leur tour Norman Mailer ou Joyce Carol Oates, entre autres. Pas un mot, pas un geste, pas un point de vue qui ne soit strictement vrai puisque ce livre est le résultat d’un montage d’interviews conduites par Capote (accompagnée de sa super amie Harper Lee, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur) auprès de la plupart des personnes impliquées dans ce crime. Surtout et y compris les deux criminels, Dick Hickock et Perry Smith, qu’il rencontrera à de nombreuses reprises et qu’il accompagnera jusqu’à leur exécution, en avril 1965. Une relation très ambiguë d’ailleurs puisqu’il sera à la fois leur ami (multipliant les appels et les demandes de grâce, obtenant de retarder l’exécution) tout en sachant aussi qu’il fallait qu’ils soient exécutés pour que son livre prenne tout son sens … Au bout du bout, près de six années d’investigation et 8000 pages de notes pour donner naissance à un chef-d’œuvre qui révolutionnera la littérature. D’abord publié en feuilleton dans l’hebdomadaire The New Yorker en 1965, De sang-froid devient un an plus tard un best-seller mondial vendu à plus de huit millions d’exemplaires. Avant d’intéresser Hollywood dans une adaptation remarquable signée Richard Brooks (1968).  Une œuvre qui devait apporter honneur et gloire à son auteur. Et qui signera aussi le début de sa fin. Ce sera son dernier roman.

SANS MOBILE APPARENT. Capote choisit un crime inacceptable, sans mobile apparent (soit non motivé par les motifs classiques : vengeance, jalousie, argent). Aberration. Toute cette horreur pour un maigre butin de quarante-trois dollars en liquide, un transistor et une paire de jumelles ? Et pourtant ils ne sont pas fous ! Puisqu’au moment du crime, Dick et Perry étaient capables de faire la distinction entre le bien et le mal (dixit le rapport psychiatrique). Comment expliquer alors cette sauvagerie ? Désaxés, incapables de contrôler leurs actes, ils trouvent tout simplement intolérable le décalage entre leurs innombrables rêves et l’échec permanent de leur existence. Le meurtre est pour eux un moyen de résoudre cet écart, de briser la monotonie de leur vie jusque-là médiocre. Ils matérialisent leur rêve, et la folie devient meurtrière. Comme rarement, Capote nous fait entrer par effraction dans l’univers intime des assassins, longuement questionnés par l’auteur.

LA VRAIE AMÉRIQUE. LE MIDDLE-WEST. Garden City est le prototype de la petite ville de l’Ouest où tout le monde se connaît et s’entraide. Sise dans la Bible belt avec ses vingt-deux églises pour onze mille habitants. Ici le paysan est travailleur, sobre, juste avec ses domestiques. Et raciste, confit de préjugés moraux et religieux. Avec des touches subtiles mais sans équivoque, Capote, dans sa restitution détaillée, n’omet pas de dénoncer les travers de cette région apparemment au-dessus de tout soupçon.

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Truman Capote, de son vrai nom Truman Streckfus Persons (1924-1984) connaîtra un immense succès avec De sang froid, qui signera aussi le début d’une longue déchéance. Ce sera son dernier roman.

Le titre intégral est d’ailleurs – De Sang Froid : récit véridique d’un meurtre multiple et de ses conséquences (In Cold Blood: A True Account of a Multiple Murder and Its Consequences)

De Sang Froid a été remarquablement adapté au cinéma par Richard Brooks (In Cold Blood, 1968). Truman Capote ayant collaboré au scénario. Avec Jeff Corey, Paul Stewart, Robert Blake.

L’intégrale Truman Capote est à découvrir dans Œuvres (Quarto, Gallimard).

Il est notamment l’auteur d’un court roman Petit déjeuner chez Tiffany, Gallimard, 1962 (Breakfast at Tiffany’s, 1958) dont l’héroïne, touchante et irresponsable, a été immortalisée par Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s, 1961) par Blake Edwards.

À découvrir ailleurs, dans la même ambiance

L’Appât, film français de Bertrand Tavernier. 1995. D’après le roman éponyme de Morgan Sportès. Tiré d’un fait divers qui s’est produit il y a quelques années, « L’Appât » raconte l’histoire de deux garcons et d’une jeune fille qui assassinent froidement des hommes pour réunir dix millions afin de réaliser leur rêve : faire fortune aux Etats-Unis. Avec Marie Gillain, Olivier Sitruk, Bruno Putzulu. Interdit aux moins de 12 ans.

Funny Games (1997), film autrichien de Michael Haneke. Avec Susanne Lothar, Ulrich Mühe, Arno Frisch. Une famille composée d’un couple et de leur fils passe ses vacances au bord d’un lac. Deux jeunes hommes leur rendent visite sous un prétexte futile. Ils les séquestrent et leur font vivre un enfer.

Harper Lee, l’autrice de Ne tirez-pas sur l’oiseau moqueur (To Kill a Mocking Bird, 1960) était une amie intime de Truman Capote. Des deux, qui peut dire lequel a le plus aidé l’autre ? Ils se rencontrent à l’âge de 5 ans dans la bourgade de Monroeville, Alabama. En 1959, lorsque Capote a le projet d’enquêter sur un fait divers du Kansas qu’il a repéré dans le New-York Yimes, il demandera à « Nelle », Harper Lee, de l’assister. Elle en impose tout en mettant les gens à l‘aise. Elle laissera un très bon souvenir dans le Midwest où ils ont tous deux mené les entretiens de De sang froid