ADULTÈRE, d'Yves Ravey

Livre
Bien
Très bien
Un Must
Minimaliste

Le pitch

Court roman où Jean Seghers est le narrateur et personnage central d’une intrigue apparemment banale. Propriétaire d’une station-service déclarée en faillite, Jean est marié depuis 10 ans à Remedios, jeune femme extrêmement séduisante, qui ne manque pas de susciter le désir. Le trompe-t-elle ? De ce questionnement naîtra le drame. Intrigue linéaire, décor restreint, microcosme humain… Yves Ravey produit avec peu d’ingrédients, mine de rien, un très grand roman noir sous couverture blanche.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce qu’Yves Ravey sait l’art de cultiver l’épure pour produire une atmosphère prenante et oppressante. Car l’auteur, en faisant bref et dense, arrive à nous tenir en haleine à partir de presque rien.  Pour le ton distancié et désinvolte employé par le narrateur qui sème le trouble dans les esprits. Parce que je suis très sensible au style Ravey : aller d’un point A à un point B s’en s’embarrasser de détails – adjectifs, adverbes, subordonnées – pour une efficacité narrative remarquable. Car c’est un écrit qui joue à la lisière du roman noir sans jamais le parodier. Pour son final qui m’a laissée pantoise…

LE STRICT NÉCESSAIRE. Un roman très court. Sans fioritures. Sans psychologie ou presque. Une épure dans la forme comme sur le fond pour un récit très noir. Un roman d’atmosphère avant tout où rien n’est vraiment dit mais où tout est suggéré brillamment en quelques mots. Des personnages denses et mystérieux pourtant décrits sommairement. Où les actes sont expliqués mais pas leurs raisons, dans le plus pur esprit behavioriste. La magie d’Yves Ravey tient dans ce savoir-faire à rendre passionnant le presque rien. Avec le don d’une écriture cinématographique qui projette des images de stations-services « à l’américaine », de bars fantomatiques, de barbecues déprimants en bordure d’autoroute… Dans cette atmosphère déprimante décrite avec économie, un homme à cran basculera insidieusement dans le crime, absurde et improvisé. Il aura suffi d’une somme de micro-événements pour faire imploser un narrateur sur la corde raide. Du grand art.

HORS-SOL ? On s’imagine quelque-part dans un coin indéterminé de l’Est de la France. Dans une petite ville éclose « en périphérie » de la grande. Si le contexte géographique ne se veut pas commentaire critique de la société, il n’en demeure pas moins une dénonciation de certaines dérives propres à nos civilisations. La médiocrité des paysages dans lesquels évoluent les personnages traduit la vision que l’auteur a de l’enlaidissement de nos environnements urbains. Avec pour corollaire la disparition d’une certaine « joie sociale », un mal de vivre immanent, un désespoir sourd.

UN RAPPORT DISTANCIÉ AU RÉEL. Jean, le narrateur et acteur principal du roman, nous raconte sa version des faits. Forcément biaisée, voire trompeuse. D’autant que, s’il se tient au plus près des événements, il prend ses distances avec l’action et agit avec une grande froideur à l’égard de son entourage. Une position extérieure pour un narrateur posé au cœur de l’action : ce paradoxe donne le ton à ce récit singulier.  Et accentue le sentiment d’isolement qui affecte Jean, lequel regarde l’agitation du monde avec indifférence.

L’EFFET BOULE DE NEIGE. Peu importe la psychologie du narrateur ou ses intentions. Seuls ses actes comptent et le définissent, produisant une infinité de conséquences sans qu’il en prenne réellement conscience. Un effet boule de neige se déclenche à partir de la trahison d’adultère, selon l’expression employée par Ravey lui-même. Jean va dresser des plans, contourner les obstacles, gérer les crises de toutes sortes, sans aucun recul ni calcul (quoiqu’il en dise). Jusqu’à l’aboutissement au crime. « Tout s’accumule autour du noyau faute, et tout se développe à partir de cette perturbation. La boule de neige grandit, chaque événement y adhère, alors, il n’y a plus de place pour le reste, qui devient, dans l’écriture (secondaire, mais nécessaire) : l’intrigue policière. » Au final, Adultère est un roman noir sur l’incompréhension humaine. Où des héros somnambules rejouent inlassablement les drames d’une vie absurde. Et d’un impossible amour.

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Yves Ravey est un auteur français prolifique, lauréat du prix Marcel-Aymé en 2004 pour Le Drap. Il vit à Besançon, où il enseigne les lettres et les arts plastiques au collège Stendhal. En 2011, il reçoit le Prix Renfer pour l’ensemble de son œuvre.

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