LE TRAÎTRE, de Marco Bellocchio

Film
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Un Must
Derniers pas dans la Mafia

Le pitch

Biopic sur le destin de Tommaso Buscetta, le premier vrai « repenti » de la Cosa Nostra. Ses aveux ont abouti au maxi-procès de Palerme mené par le juge Falcone en 1986 et à l’arrestation de 475 mafieux. Une fresque crépusculaire sur la décomposition d’un monde sans valeurs. Un film mémorable.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car ce très grand film est à la fois récit politique et œuvre intimiste. Parce qu’il est fascinant d’entrer dans les arcanes terrifiants de la Pieuvre en la dégraissant de toute sa mythologie hollywoodienne. Pour la prestation de Pierfrancesco Favino, pleine de conviction et de grâce. Parce qu’on n’attendait pas forcément Bellocchio, cinéaste de l’intériorité et des atmosphères bourgeoises, sur le territoire mafieux. Et pourtant il le fait, magnifiquement.

POUR TOMMASO, LE FILS MAUDIT. Le Traitre est avant tout une histoire de famille. Un fils respecté, efficace et discret, Tommaso Buscetta, se rebelle contre la folie meurtrière du père, Salvatore « Toto » Riina dit « Le fauve ». Car le chef du clan Corleone a décrété le massacre des autres familles de Palerme pour asseoir son pouvoir. Ce bain sanglant au cours duquel Buscetta perdra une grande partie des siens, est à l’origine de sa décision : rompre la sacro-sainte omerta et trahir le vrai traître, Riina. Ni héros ni monstre, tout simplement humain, il entend rester cohérent avec son code d’honneur dans un monde mafieux qui l’a perdu de vue depuis longtemps. Pas de signe de repentance de la part Buscetta, mais une fidélité à un code moral et l‘utilisation de la justice comme véhicule de sa vengeance froide. Le grand comédien Pierfrancesco Favino donne corps à ce magnifique personnage de tragédie, monstre et homme d’honneur, fils maudit par qui le scandale arrive. Un criminel endurci, certes, mais qu’on ne peut s’empêcher d’admirer aussi pour son courage, une humanité, une dignité et un verbe qu’on ne peut totalement ignorer. Sa délation commise, il aura le reste de sa vie pour attendre dans l’angoisse son châtiment, à l’ombre du programme américain de protection des témoins.

MIEUX CERNER LA PIEUVRE ET SES RAMIFICATIONS. Le Traître est une contre-fable sur la mafia dont on aurait ôté toute la mythologie et les ornements. Un trait de lumière crue est soudain projeté sur cette société secrète tramée à la société civile. Une Pieuvre que Bellocchio nous dévoile du point de vue singulier du repenti et qui nous en dit long sur la société italienne, sa justice, ses labyrinthes administratifs, son système pénitentiaire, ses collusions avec le pouvoir politique. Mais Le Traître c’est aussi un hommage aux juges héroïques, comme Falcone, autre personnage central du film qui entretient avec Buscetta une relation particulière et grave, entretenue tout au long de leurs entretiens qui rythment le récit. Fumant des cigarettes à la chaîne, ces frères ennemis dont les têtes sont mises à prix vont développer une forme de respect mutuel malgré leurs oppositions.

UNE TRAGEDIE EN 3 ACTES. La construction du film est remarquable. En ouverture, une scène mémorable de noces sanglantes pose le contexte de la tragédie où l’on découvre que la vie de Buscetta est une fuite permanente. Puis vient la mise en scène du procès historique qui se tient dans un bunker improbable, (prévu pour résister aux roquettes !), où des hommes encagés se donnent en spectacle comme des bêtes au cirque. Où Buscetta confronte ses amis d’antan, l’homme debout face à des hyènes. Eux qui ont perdu toute trace d’humanité et lui qui gagne un statut de héros. Acte III : à l’issue du procès, le film se poursuit avec l’assassinat à la voiture piégée des juges Falcone et Borsellino et l’arrestation de Toto Riina. La boucle est bouclée. Pour cette fois-ci.

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