PERPENDICULAIRE AU SOLEIL, de Valentine Cuny-Le Callet

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Le pitch

« Depuis 2016, j’entretiens une correspondance avec Renaldo McGirth. En 2019, nous avons eu l’idée de réaliser un récit graphique racontant notre rencontre et notre amitié. Vous tenez entre les mains le fruit de notre travail. » écrit en préambule Valentine Cuny-Le Callet. Renaldo McGirth, condamné à mort, est incarcéré depuis plus de 10 ans en Floride. Au fil de leurs lettres, des images qu’ils s’échangent, des rares visites, naît le récit graphique de leurs vies parallèles. Le livre questionne avec une intense émotion et beaucoup d’humanité la brutalité d’un système carcéral, et l’amitié qui surgit, depuis une cellule de 5m2. Dans un graphisme d’une richesse inouïe. Une œuvre totale, pas loin d’être indispensable.

Au moment de la publication de ce livre, 2414 personnes attendent aux Etats-Unis dans le couloir de la mort.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car Perpendiculaire au soleil est un album dense, précieux, attaché à l’humain et ses besoins fondamentaux. Pour la richesse graphique qui dégage une émotion rare. Car c’est une œuvre remarquable par l’engagement dans la durée des deux auteurs autant  autant que par le sujet traité. Un coup de cœur. Une expérience rare à ne pas laisser passer.

UNE HISTOIRE D’AMITIÉ. Sur le papier, Ronaldo et Valentine n’avaient pas grand-chose en commun. Valentine Cuny-Le Callet, jeune étudiante aux Arts Décoratifs de Paris, a dix-neuf ans quand elle entreprend une correspondance avec un jeune détenu américain condamné à mort pour braquage et meurtre, Renaldo McGirth, afro-américain, dix-huit ans au moment des faits qui lui sont reprochés. Il clame son innocence. Renaldo est enfermé depuis presque 15 ans et a vécu toute sa vie d’adulte dans cette cellule qu’il occupe 23h sur 24h. Où son univers intime et artistique constitue l’une de ses seules fenêtres vers l’ailleurs, avec les correspondances qu’il entretient.  Il est prisonnier d’une cage exiguë, privé d’horizon et de perspective. Elle sera ses yeux et ses oreilles vers le monde extérieur. Tous deux partagent une même sensibilité artistique, un amour de l’écriture, du dessin, de la musique. Une même envie de s’éveiller à l’autre, de communiquer, de comprendre. Ils se racontent le monde, les soucis du quotidien et leur passion pour l’art. Le résultat de cette relation épistolaire est bluffant.

LE SYSTÈME CARCÉRAL EN QUESTION. La peine de mort est abolie depuis 1981 en France. Mais depuis 2015, plus de la moitié de la population française est favorable à son rétablissement. Au moment des attentats, le sujet de la peine de mort est revenu dans le débat public de manière très brutale, incitant la jeune autrice à se pencher sur le sujet, et plus largement adresser le sujet de la prison. Gestion des courriers entrants et sortants des prisonniers, visites pénitentiaires, révision des jugements, conditions carcérales, procédures de mise à mort, affects des détenus : nombreux sont les sujets brassés au fil du récit, sans manichéisme, mais avec l’apport de nombreuses digressions, fruit des propres recherches de l’autrice sur la peine de mort, la lutte pour les droits civiques, la justice américaine, le racisme et la représentation des Afro-Américains ou encore la représentation des victimes ou des personnes condamnées.  Des ouvertures au débat tout à fait instructives et salutaires.

UNE RICHESSE GRAPHIQUE BLUFFANTE. Ce premier roman graphique de Valentine Cuny-Le Callet m’a procuré un véritable choc esthétique. Un choc tout court. Une correspondance poignante de près de 6 années, traitée au crayon et en gravure sur bois où viennent se mêler des images singulières, en grande majorité traitées en noir et blanc hormis quelques touches colorées, qui parlent de la beauté du monde et d’une amitié naissante. 400 pages nées dans des conditions extrêmes qui mettent en valeur la richesse de leurs échanges par courrier malgré les contraintes de la censure et des matériaux utilisés par Renaldo pour dessiner. Des images conditionnées par l’univers de la prison, qui poussent les deux artistes à redoubler d’imagination pour échanger et contourner l’interdit de l’univers carcéral qui empêche de voir ce qui se passe derrière ses murs. Un travail très graphique et technique de la part des deux auteurs.  Des planches aux crayons gras pour retranscrire la réalité et des gravures sur lino ou sur bois pour les scènes de souvenirs et de rêves, ainsi que pour illustrer les correspondances. Des dessins sophistiqués qui ont trouvé leur juste place sur papier noble, dans un grand format à couverture cartonnée.

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La fiche

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Où se procurer

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Le monde dans 5 m2, Éditions Stock, 2020. Cet essai a précédé le roman graphique, sur le même thème, Perpendiculaire au soleil.

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Prison n°5, également publié aux éditions Delcourt, et dans lequel l’artiste et journaliste kurde Zehra Doğan racontate l’envers des prisons turques.

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Oz, série américaine créée par Tom Fontana (1997-2003, 6 saisons, 8 x 50min) – Oz. Oswald. Pénitencier de haute sécurité. Quartier expérimental de la prison. Dans cet univers clos et étouffant se recrée une société terrifiante où dominent la haine, la violence, la peur, la mort.

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