L’ÉTÉ DIABOLIK, de Smolderen et Clérisse

BD
Bien
Très bien
Un Must
POLAR INITIATIQUE

Le pitch

Été 1967, Clairville, France. Les 48h décisives dans la vie d’un ado. Antoine a 15 ans. Lors de la finale d’un tournoi de tennis, il bat Erik, un jeune de son âge, sous les yeux de leurs pères. Cette victoire anodine est le point de départ d’un enchainement de faits qui vont dramatiquement changer le cours de sa vie. Enthousiasmant thriller rétro sur fond d’espionnage, L’Été Diabolik est un hommage assumé aux lectures de jeunesse du scénariste Thierry Smolderen. Magnifiquement servi par le dessin flamboyant, psychédélique et délicieusement sixties d’Alexandre Clérisse. Une totale réussite.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car cette BD ultra référencée, totalement pop, offre une intrigue habilement menée, au suspense maîtrisé et soutenu. Parce que le graphisme retro n’enlève rien à la modernité de la narration.   Car c’est un roman graphique d’espionnage sur fond de guerre froide tout autant qu’un roman d’initiation. Parce que cette histoire apparemment simple est truffée de fausses pistes, d’indices et de chausse-trapes. Car mon tout finit par tisser un ensemble remarquable et franchement délectable.

POUR LE CHARME VINTAGE. Dans les 6 pages (à ne pas rater !) en fin de l’album, le scénariste Thierry Smolderen se souvient de sa fascination pour Arsène Lupin, Fantômas, Tigris, Mandrake, Le Fantôme du Bengale, qu’il dénichait dans les greniers, et des magazines qu’il courait chaque semaine acheter au kiosque de son quartier, comme Diabolik*, une série noire créée en 1962 par les sœurs Angela et Luciana Giussani, puis adaptée au cinéma par Mario Bava. D’où le titre et les références : la jaguar noire, le lieu central de l’action (Clairville), la menace incarnée par le masque … L’Eté Diabolik baigne ainsi dans une ambiance sixties totalement assumée. Sur le fond comme sur la forme.

POUR LE GRAPHISME PSYCHÉDÉLIQUE. Comics, Pop-art, Warhol, Hockney… Le dessinateur Alexandre Clérisse convoque également dans ses planches les codes graphiques des années 60, qu’il synthétise et réinvente. Thierry Smolderen s’en explique dans son explication de fin d’ouvrage. « Les images de ce livre ont été composées sur Illustrator par un jeune dessinateur qui travaille au présent. Et c’est bien la manière dont il a disposé les prismes et ses lentilles qui nous a permis de rapatrier d’un bloc tout l’été 67, dans un roman graphique qui, nous l’espérons, se révélera, pour le lecteur, typiquement d’aujourd’hui. » Son trait dépouillé et ses couleurs flamboyantes peuvent rebuter ou surprendre au premier abord mais ils collent parfaitement à l’ambiance sixties souhaitée. Le dessinateur livre des planches accrocheuses. Il joue avec le découpage, les cadrages et n’hésite pas à s’émanciper des cases pour mieux restituer la dimension trouble de certaines situations. En s’inspirant et réinterprétant les références Pulp de l’époque, il offre des compositions colorées et flashy qui servent merveilleusement le récit.

POUR LE SCÉNARIO MALIN. Première expérience sexuelle, premières amours, premiers trips au LSD… L’été 67, d’une intensité folle…, marque pour Antoine ses premiers pas dans l’âge adulte. Parti comme un joli roman d’initiation, de sentiments confus et d’états d’âme en montagnes russes, L’Eté diabolik se mue peu à peu en une sordide histoire d’espionnage et de règlements de comptes sur fond de guerre froide. L’intrigue, qui se joue entre mondanités, plage, touffeur et lourds secrets, est tenue sur un fil tendu. L’auteur chevronné propose une narration en deux temps, sur plus de vingt ans, où il distille avec méthode les indices comme il sème les fausses pistes et, à mesure que la tension monte et que les questions s’accumulent, arrive à intriguer son lecteur, sans relâche, jusqu’au dénouement. Que l’on ne s’y trompe pas, derrière les couleurs psychédéliques et les formes géométriques pop empruntées aux années 60, se cachent des questionnements essentiels, sur la réalité des sentiments qui unissent deux personnes. Amour, amitié, piété filiale, tendresse paternelle : qu’y a-t-il derrière les sourires, la tendresse et la complicité ? Beaucoup d’illusions, parfois, et pour Antoine une vie à reconstruire.

*Diabolik était un secret bien gardé. Une BD italienne pour adultes apparue au début des années 1960, qui mettait en scène un genre de Fantômas, expert dans l’art du crime et du travestissement. Pétri de violence, de mystère et d’érotisme, ce fumetto qui circulait sous le manteau a nourri les fantasmes de générations d’adolescents.

Partager :
FacebookTwitterEmail

La fiche

Auteur(s) :

Titre original :

Date de publication originale :

Éditeur :

Autres :

Où se procurer

Si vous avez aimé, découvrez du même auteur

Souvenirs de l’empire de l’Atome (Dargaud, 2013), un album SF.

1953 : Le Monde est entré dans l’âge de l’Atome, mais un homme s’interroge sur la civilisation qui l’entoure. Cet homme, c’est Paul – un écrivain de science-fiction qui depuis son enfance vit en contact télépathique avec le héros d’une épopée galactique située dans un lointain futur. Le cas de Paul devient célèbre à la suite d’un article. Gibbon Zelbub, consultant bien connu du Pentagone et de l’industrie américaine, commence alors à s’intéresser à lui. Dans un laboratoire du Vermont, « l’homme qui dialoguait avec le futur » va subir une expérience hypnotique qui lui fera commettre l’irréparable et briser l’honneur de son ami Zarth Arn, héros de l’Empire Galactique. S’inspirant d’un cas psychologique réel (qui a défrayé la chronique au milieu des années 1950), l’intrigue tient à la fois de l’énigme psychiatrique et du space opera.