LA CAGE AUX CONS, de Recht et Angotti

BD
Bien
Très bien
Un Must
Farce et attrape

Le pitch

On est toujours le con de quelqu’un. Notre looser l’apprendra à ses frais. Totalement déjantée, cette BD oscille entre la farce et la satire sociale, avec une belle tranche d’ironie et d’humour noir.

Pourquoi je vous le conseille ?

Pour le scénario surprenant (euphémisme), très bien adapté de Franz Bartelt (Le Jardin du Bossu, 2006), un auteur prolifique tout à fait savoureux. Pour l’humour et la voix off, comme au cinéma. Pour le dessin charbonneux de Robin Recht, poisseux à souhait.  Parce que ce récit ubuesque sort clairement du lot.

HUMOUR ET SECOND DEGRÉ. Hors de question de vous en dire plus sur l’histoire, ce serait vraiment vous gâcher le plaisir. La cage aux cons repose sur un scénario à rebondissements improbables. Il faut oser se laisser embarquer dans un univers ringard, absurde, au rythme de la voix off façon Audiard mâtinée de San Antonio de notre narrateur qui se retrouve en difficile posture. Ce ton humoristique et débonnaire hérité de l’auteur Franz Bartelt (que je vous recommande chaudement) fait basculer le récit dans une forme de vaudeville déjanté.

« Je pars parce que je sais que Karine aura toujours raison. Karine c’est mon grand Amour. Je fais pas le poids. Elle a des notions d’économie. Son rêve c’est de devenir capitaliste, elle fantasme en dollars, comme à la télé. Pas moi. Je suis basé sur l’idée de gauche. J’ai des principes. Je suis humaniste. Le pognon c’est que par amour pour Karine. Elle est pour le pognon, et moi, je suis pour Karine. Donc je peux pas être contre le pognon ». CQFD

UN UNIVERS CINÉMATOGRAPHIQUE. Le trait charbonneux de Recht nous propulse dans une atmosphère digne des polars français des années 50 ou 60, façon Gilles Grangier ou Melville, grâce notamment au cadrage bien pensé de chaque case et à un découpage en trois bandes horizontales d’une grande lisibilité. S’y ajoutent des clins d’œil malicieux au Septième Art : l’apparition d’un commissaire Gallien aux allures de Ventura dans Garde à vue ou le logo des Editions Delcourt représenté à la façon de Gaumont. Des petits détails qui créent l’ambiance.

UN SCÉNARIO SOCIAL ET DÉJANTÉ. Le récit ose toutes les audaces et les auteurs ont su restituer l’absurdité et le rythme de Franz Bartelt, auteur du Jardin du Bossu dont cette BD est la fidèle adaptation. Chaque nouvelle péripétie nous emmène toujours plus loin sur le terrain du vaudeville décalé. Faux-semblants, imbroglios, jeux de dupes… on navigue constamment en eaux troubles dans cette histoire de l’arroseur arrosé. Où le beauf antihéros qui nous raconte son aventure exprime en filigrane une satire des classes sociales et de la société de consommation. Matthieu Angotti décrit ainsi son narrateur « Ce con, c’est quelqu’un qui nous représente un peu tous, dans nos contradictions. Il a ce côté très français, à la fois méfiant à l’égard des élites et un peu fasciné par la société de consommation. Il a aussi ce côté solidaire envers les petites gens dont il fait partie, mais, en même temps, il n’a pas envie d’être considéré comme pauvre ou déclassé. Il se bagarre dans ses contradictions ». Et si le ton est proche de la farce à bien des égards, la tragédie n’est jamais très loin non plus. Un savant équilibre. Qui finalement nous ramène à LA question que pose la bd : une bonne illusion vaudrait-elle mieux qu’une vérité?

 

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Désintégration. Journal d’un conseiller à Matignon (2017, éditions Delcourt). Pendant dix-huit mois, Matthieu Angotti a travaillé aux côtés du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, et c’est ce qu’il raconte ici. Etonnament le dessin de Recht y est très différent. Bien mais différent.