THE AMERICANS, de Joe Weisberg et Joel Fields

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Le pitch

À Washington, deux espions russes jouent à la famille modèle. Derrière cette façade, ils sont officiers du KGB infiltrés dans la société américaine en pleine période de renforcement de la Guerre froide, après l’élection de Ronald Reagan en 1981. Inspirée de faits réels (ou supposés tels), The Americans est une série d’espionnage vintage certes, mais qui parle surtout du couple, de la famille et de la difficulté à s’affirmer en tant qu’individu. Une série passionnante, ludique et exigeante, largement passée sous les radars. Heureusement pour les retardataires, 6 saisons sont à découvrir (d’urgence).

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce qu’en se positionnant au temps de la Guerre Froide, The Americans se révèle être un thriller d’espionnage totalement actuel. Pour Keri Russell et Matthew Rhys, couple vedette à la scène comme à l’écran, qui composent un couple complexe, solide et sincère, dégageant une alchimie rare. Car sous ses airs de série d’espionnage vintage, The Americans est surtout une formidable métaphore sur le couple, la parentalité, la vie de famille. Pour le jeu du chat et de la souris, ludique à souhait, qui n’en questionne pas moins la question de l’identité qui est posée au cœur de la série. Pour l’esprit eighties des looks, de la mise en scène, de la bande-son (fantastque !) qui contribuent indéniablement au charme de cette pépite trop méconnue.

ALCHIMIE DES PERSONNAGES. Elizabeth et Philip Jennings, espions russes dormants, vivent leur vie au-dessus de tout soupçon avec leurs deux enfants, Paige et Henry, dans la banlieue de Washington où ils font copain copain avec leur voisin Stan… un agent du FBI. Au 1er épisode de la saison 1, il apparait que le mari semble plus prompt à basculer dans le camp américain que sa femme-équipière, toujours prête à mourir pour sa mère patrie l’URSS. La mission avant tout. La magie émanant de la série est notamment de faire naître de vrais sentiments, amoureux et amicaux, dans un monde qui n’est que mensonge et dissimulation. Au-delà des missions d’infiltration, la série dépeint les relations d’un couple formé artificiellement, peu à peu confronté aux affres du quotidien et à l’ambivalence de ses sentiments, d’abord dictés par le sens du devoir avant d’évoluer vers un véritable amour. Ainsi le couple « arrangé » par le KGB formé par les formidables acteurs Keri Russell (Felicity) et Matthew Rhys (Brothers and Sisters) finit-il par s’aimer « pour de vrai », après 16 ans de vie commune factice. Une idylle à l’envers totalement crédible dont la réussite repose sur les deux acteurs (détail people : ils sont tombés amoureux pendant le tournage) qui dégagent une alchimie irrésistible. Les notions de couple et de parentalité sont ainsi au cœur de The Americans, au-delà du propos politique. Comment arriver à vivre ensemble, en harmonie, malgré les secrets de chacun, les rancœurs, voire même parfois l’impression d’être des étrangers sous le même toit. L’espionnage comme métaphore du couple en quelque sorte.

JEU DE DUPES. Tout est délicieusement vintage dans The Americans. La réalisation, à la photo patinée, un peu marron, remet au goût du jour le travestissement façon Mission Impossible. Laissant tomber les nouvelles technologies et autres bidules compliqués, les scénaristes sont revenus au plaisir du jeu, du déguisement, de la dissimulation, du mensonge pur et simple. Lunettes, perruques, menus accessoires, et hop, le tour est joué. La mise en scène et le montage elliptique (où l’on découvre les visages changés subitement d’un plan à l’autre) contribuent à la notion de perte d’identité progressive des personnages qui est centrale dans la série. Et si les transformations prêtent parfois à sourire (ah la mode des années 80 !), les acteurs jouent leur rôle à fond, très sérieusement, comme lorsque l’on jouait enfant « à la guerre » dans la cour de récré. Mais ce jeu tourne mal dans tous les camps, Est comme Ouest, dans un monde rendu fou et absurde. Et si l’on pense à l’administration Trump, la Russie de Poutine, la Corée du Nord de Kim Jong-un… The Americans parle autant d’hier que d’aujourd’hui. D’ailleurs le créateur de la série Joe Weisberg, un ancien de la CIA reconverti en scénariste, s’est inspiré de la découverte de 10 agents russes illégaux sur le territoire américain médiatisé en 2010 pour imaginer son récit. The Americans nous montre les racines d’une paranoïa qui n’a eu de cesse de muter sans jamais disparaître.

 FIRE AND MUSIC. Si The Americans est une série d’espionnage efficace, elle ne l’est pas au sens de Homeland ou 24h Chrono par exemple, qui optent clairement pour l’action et l’adrénaline poussées à leur max. Si sa première saison est enlevée, son rythme tend à lever le pied dans les suivantes pour laisser davantage de place à des temps de pause, à même de porter les dilemmes qui se posent aux personnages. Temps étiré, scènes de la vie domestique, moments suspendus, viennent ainsi s’intercaler aux scènes d’action et de suspens pour donner un récit finalement plus mélancolique que dynamique. Le mérite en revient notamment au scénario d’une rare subtilité. Sans manichéisme, Joe Weisberg et Joel Fields décryptent la guerre froide en y ajoutant le recul apporté par notre époque. Car, comme l’écrit le New York Times (en anglais)« The Americans a toujours baigné dans la mélancolie, en partie à cause de son cadre historique. On sait depuis le début qu’Elizabeth et Philip se battent pour une cause perdue. » Mon tout est baigné dans une bande son eighties fantastique et exigeante. On y entend des groupes peu connus ou oubliés, comme Quarterflash ou Golden Earring. Et si les artistes à succès sont bien présents (The Cure, Peter Gabriel, Talking Heads, Fleetwood Mac, Roxy Music, Tears for Fears, Phil Collins…), ils sont rarement représentés par leurs titres les plus populaires. Une bande-son impeccable qui est pour beaucoup dans l’ambiance si singulière de cette série décidément excellente de bout en bout.

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La fiche

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