SHARP OBJECTS, de Marti Noxon

Série TV
Bien
Très bien
Un Must
Par-delà les apparences

Le pitch

Minisérie adaptée d’un roman de Gillian Flynn, où une journaliste névrosée retourne dans sa ville natale – Wind Gap, Missouri – pour enquêter sur le meurtre d’une ado et la disparition d’une autre. L’occasion de replonger de plein pied dans les traumatismes de son enfance en retournant vivre chez sa mamma. Un polar rural autant qu’un thriller glaçant, Sharp Objects est une série dérangeante filmée caméra à l’épaule dans les lumières crépusculaires du sud profond. On ne se marre pas beaucoup, mais c’est du très bel ouvrage. Interdit -12 ans.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que l’on y croise nombre de femmes fortes, que l’on suit dans leur quotidien, avec leurs drames, leurs histoires de famille, les amours, les infidélités… Pour plonger dans le Sud profond et poisseux qui cache ses traumas derrière une apparente normalité. Pour Camille (remarquable Amy Adams), jeune femme bouleversante, inlassablement poursuivie par ses démons, toujours sur la crète. Pour la réalisation souple et le montage nerveux du regretté Jean-Marc Vallée. Pour l’expérience sensorielle, et une bande-son soul et blues renversante.

POUR SON ATMOSPHÈRE SINGULIÈRE. Celle de ce Sud poisseux, écrasé par la chaleur. D’une Amérique qui semble figée dans le passé. Un endroit hors du temps où la moiteur le dispute à l’ennui. Bienvenue à Wind Gap, bled étouffant où tout se sait, se cache, au sein d’une communauté proprette en apparence (tiens, tiens, une référence à un autre bestseller de Lilian Flynn, Les Apparences ?) mais en réalité peuplé de personnages ambigus et fracassés par la vie, où rien ni personne n’est jamais ce qu’il semble être.  Une société rurale qui continue de fêter les héros sudistes de la Guerre de Sécession au mépris de l’Histoire, dans un esprit communautariste délétère et rétrograde qui se nourrit au calvaire de sa propre jeunesse.  Une ville et des familles hantés par les fantômes d’un passé jamais digéré, qui surgissent telles des fulgurances horrifiques pour éclairer le présent.

POUR CAMILLE. Amy Adams est fantastique dans ce rôle de femme journaliste complètement abîmée par des expériences d’enfance traumatisantes. Une femme brisée par la vie, par sa ville, par son passé. Alors elle picole encore et encore pour essayer de fuir d’elle-même, des autres. Peine perdue, ses démons refont surface à l’occasion de flashbacks savamment orchestrés tout le long d’une enquête qui l’amène à se pencher sur la vie de la communauté qu’elle avait fuie des années auparavant. Mais l’enquête ne revêt finalement que peu d’importance car ce qui nous intéresse, c’est de mieux comprendre Camille, son passé tumultueux gravé dans sa chair même et d’imaginer quel pourrait être son avenir, totalement illisible. Toute la série est ainsi filmée de son point de vue de femme scarifiée, perdue dans son propre labyrinthe intérieur. Une héroïne obsédée par les mots, qui se blesse en les gravant sur sa peau. Un personnage dur à regarder comme il fut difficile à jouer pour l’actrice : « vivre dans la peau de Camille, c’était un bel endroit à explorer, mais je ne voudrais pas rester vivre là-bas. »

UNE BANDE SON EXCEPTIONNELLE. On entend d’abord le silence, interrompu seulement par le bruit assourdissant des grillons. Puis la musique s’insinue pour se porter au cœur du récit car elle dit toujours quelque-chose de celui ou celle qui l’écoute. Ainsi Camille est-elle indissociablement liée à la playlist d’une jeune fille rencontrée dans un centre de désintoxication avec qui elle a partagé un moment de vie aussi intense que dramatique. Une jeune paumée pour qui la musique représentait le seul et unique moyen d’évasion. Le casque vissé sur les oreilles, Camille peut ainsi s’échapper « de l’intérieur » en écoutant du rock agressif et sensuel comme celui de Led Zeppelin, ou de la musique vintage, mais aussi l’électro (The Acid, Hurray for the Riff Raff), ou encore un groupe de folk-blues de la Nouvelle-Orléans… Un éclectisme magnifique, à l’image de ses états d’âme.

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La fiche

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Jean-Marc Vallée (1963-2021), réalisateur québécois mort prématurément, était l’auteur des fameux films et séries :

C.R.A.Z.Y. (2005). Récit d’inspiration autobiographique (l’autobiographie étant ici aussi bien celle du réalisateur que celle de son coscénariste, François Boulay), qui dépeint les tourments d’un adolescent gay étouffé par un père envahissant dans le Québec des années 1970. C.R.A.Z.Y. reste à ce jour l’un des plus gros succès de son pays.  En 2005, année de sa sortie, il se classe troisième au box-office derrière La Revanche des Sith et Harry Potter et la coupe de feu.

Dallas Buyers Club (2013) offre à Matthew McConaughey le rôle de Ron Woodroof, qui, dans les années 1980, organisa dans la métropole texane l’un des premiers réseaux d’approvisionnement en médicaments antirétroviraux pour les séropositifs. Le film vaut un Oscar à McConaughey et en remporte deux autres.

Wild (2014). Adaptation d’un récit autobiographique de Cheryl Strayed, qui parcourut à pied le Pacific Trail, sur le versant occidental des Rocheuses, pour sortir de sa dépression. Reese Witherspoon, à l’origine du projet (meilleure actrice) et Laura Dern (meilleur second rôle féminin) sont toutes deux récompensées aux Oscars.

Ecrite par David E. Kelley d’après un roman de Liane Moriarty, Big Little Lies (2 saisons, 14 épisodes, 2017-2019) réunit le duo de Wild, Reese Witherspoon et Laura Dern, auxquelles se joignent Nicole Kidman, Zoe Kravitz et Shailene Woodley. Cette énigme criminelle mâtinée de chronique sociale, située dans les paysages spectaculaires de la côte californienne autour de Monterey. Quand Madeline, Jane et Celeste se lient d’amitié par l’intermédiaire de leurs enfants, elles ne se doutent pas qu’elles vont se retrouver, des mois plus tard, au centre d’un tragique accident, survenu à la fête de l’école. Qui est mort ? Qui est responsable ? Et pour quelle raison ? Secrets, rumeurs et mensonges ne faisant pas bon ménage, tout l’univers de la petite ville de Monterey va être secoué de violents soubresauts.

Gone Girl (2014, 2h29) est un film américain de David Fincher adapté également de Gillian Flynn, par Gillian Flynn. Avec Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris. À l’occasion de son cinquième anniversaire de mariage, Nick Dunne signale la disparition de sa femme, Amy. Sous la pression de la police et l’affolement des médias, l’image du couple modèle commence à s’effriter. Très vite, les mensonges de Nick et son étrange comportement amènent tout le monde à se poser la même question : a-t-il tué sa femme ?

À découvrir ailleurs, dans la même ambiance

Memento (2008). Film culte de Christopher Nolan avec Guy Pierce et Carrie-Ann Moss. Où un homme atteint d’une maladie qui lui ôte toute mémoire immédiate, cherche le meurtrier de sa femme.  Bien qu’il puisse se souvenir de détails de son passé, il est incapable de savoir ce qu’il a fait dans le quart d’heure précédent, où il se trouve, où il va et pourquoi. Pour ne jamais perdre son objectif de vue, il a structuré sa vie à l’aide de fiches, de notes, de photos, de tatouages sur le corps. C’est ce qui l’aide à garder contact avec sa mission, à retenir les informations et à garder une trace, une notion de l’espace et du temps. Incroyable et surprenant.

True Detective (2014, 8 X 50 min). Une série de Nic Pizzolato avec Cary Fukunaga à la réalisation. La saison 1 est particulièrement intense et réussie. Avec Matthew McConaughey, Woody Harrelson et Michelle Monaghan. Où deux enquêteurs se remémorent leur enquête la plus célèbre. En 1995, Dora Lange, une prostituée, est découverte atrocement assassinée. La mise en scène laisse à penser qu’un tueur en série aux rituels occultes sévirait en Louisiane. Dès lors la traques de l’assassin devient une véritable obsession pour Marti et Rust, au risque de détruire leurs vies privées.