LA MAISON DE LA RUE EN PENTE, d'Eriko Shinozaki

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Un Must
Autopsie nippone

Le pitch

Sélectionnée comme jurée dans le cadre d’un procès pour infanticide, Risako, elle-même jeune maman, voit son existence bouleversée au contact de l’accusée. Une minisérie passionnante qui oscille entre le thriller, le mélodrame et la chronique judiciaire pour nous dépeindre une société japonaise profondément injuste et inégalitaire à l’égard des femmes. Où l’on s’interroge sur les injonctions qu’une société tout entière impose aux épouses et mères. Une vraie belle découverte.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que cette minisérie extrêmement bien ficelée et réalisée se révèle plus complexe que prévu, au fil des parcours parallèles d’une multitudes de personnages, notamment féminins, mais pas que. Pour la découverte d’une société nippone inégalitaire et sexiste qui exerce une pression insoutenable à l’égard des femmes en général et des mères en particulier. Car en choisissant le format du film d’assises teinté de thriller, cette série propose avant tout la fascinante autopsie d’un formatage nippon. Pour le titre, poétique, qui évoque cette lente et difficile ascension des femmes dans la société japonaise où plus elles avancent dans leur vie de femme, d’épouse, de mère, plus tout devient difficile. Voire intenable. Jusqu’à la rupture.

 DE LA DIFFICULTÉ D’ÊTRE FEMME AU JAPON. Adaptée d’un roman de Mitsuyo Kakuta, cette minisérie dresse un tableau sans concession de la société japonaise encore profondément inégalitaire. Où le fait d’être femme signifie encore d’être sous le joug d’une société patriarcale rétrograde. Sexisme au travail, pression professionnelle, mauvaise répartition des tâches ménagères, violence psychologique exercée par les maris mais aussi par les grands-mères, convaincues du nécessaire sacrifice des femmes à leur foyer… Rien n’est épargné à la jeune mère qui doit tout sacrifier pour sa descendance tout en ployant sous les injonctions fusant de toutes parts. Devenir mère au Japon, c’est se dédier corps et âme, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à la surveillance, à l’éducation et au bien-être de sa progéniture, et n’avoir pas d’autre choix que de devenir femme au foyer. Tant pis pour les études supérieures et la carrière, l’enfant prime. S’il existe quelques « super mamans » qui parviennent on ne sait comment à tout concilier, la règle est de rester à la maison, et celles qui voudraient s’en affranchir s’exposent aux pressions constantes du corps social, des proches, des parents, et surtout de la belle famille. Car qu’on ne s’y trompe pas, les mères et belles-mères telles qu’elles apparaissent dans la série sont particulièrement redoutables et sous couvert de bons conseils, enfoncent le clou de l’obéissance passive. Une épouse modèle japonaise doit ainsi être effacée, soumise à son mari, et toujours avenante. Le partage des tâches reste un concept incongru puisque qu’il revient bien entendu aux femmes de gérer les enfants et les tâches domestiques. Dans ces conditions, nul besoin d’invoquer la stagnation économique et l’insécurité de l’emploi pour comprendre le déclin de la natalité japonaise depuis une trentaine d’années…

COMPRENDRE LES FONDEMENTS DE L’EMPRISE PSYCHOLOGIQUE.  Risako est une épouse effacée, dévouée à sa fillette de 3 ans et à son foyer. Tirée au sort pour être jurée, elle va devoir bouleverser sa « routine », sortir de son cercle familial et aller à la rencontre d’un univers inconnu de son mari, lequel ne peut accepter qu’elle échappe à son contrôle. Le procès fait ainsi écho à sa propre existence, et lui ouvre les yeux sur son quotidien anxiogène, fait de tâches ménagères, avec un mari qui rentre tard pour mettre les pieds sous la table et des beaux-parents qui, tout en jouant les grands-parents modèles, ne cessent de la culpabiliser. Face à cette micro-émancipation de la mère au foyer, le mari n’aura de cesse de l’humilier par petites touches, lui signifier que tout cela est bien trop lourd à gérer pour elle. D’ailleurs, de devient-elle pas irritable, dépassée par les événements ? La multiplication des remarques dégradantes et infantilisantes plus ou moins subtiles émises par son mari et son entourage familial vont ainsi enfermer Risako dans une spirale d’autodénigrement et de remise en question de sa propre condition de mère et de femme.

UNE NARRATION À VOIX MULTIPLES. La mise en scène habile de Yukihiro Morigaki évoque les parcours parallèles de la femme jurée et de la mère accusée d’infanticide. Ainsi, malgré la vindicte populaire, Risako va progressivement éprouver de l’empathie pour l’accusée, murée dans le silence, jusqu’à trouver des similitudes entre leurs deux expériences de maternité. Plus encore, les souffrances sociales et psychologiques révélées par le procès feront également écho aux déboires et questionnements des autres parties prenantes au procès, jurés et magistrats compris. On entre ainsi dans l’intimité de l’assistante du juge qui se débat pour concilier carrière et maternité. Une cadre supérieure brillante s’avère souffrir secrètement de son infertilité. Un petit employé est méprisé par son épouse, issue d’une riche famille, qui lui renvoie sa médiocrité au visage. Une société entière vouée au culte de la matérialité et de la réussite sociale, coûte que coûte. Jusque et y compris dans la maternité.

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