TERRA ALTA, de Javier Cercas

Livre
Bien
Très bien
Un Must
À l’ombre de Franco

Le pitch

Melchor, policier au nom de roi mage, ex-repris de justice et fils d’une prostituée, mène l’enquête sur les terres de l’Ebre, à l’extrême sud de la Catalogne. Mais ici plus qu’ailleurs, le passé n’est jamais vraiment passé. Un polar qui fait œuvre de mémoire. Premier volume d’une série qui devrait en comprendre quatre ou cinqtous centrés sur le personnage de l’agent Melchor Marín. On s’en réjouit.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce qu’au-delà d’être un excellent roman noir, c’est un ouvrage qui témoigne des stigmates de la guerre civile espagnole. Car pour Cercas les livres sont des armes, ils ont le pouvoir de te révéler à toi-même et te faire vivre plus intensément. J’aime beaucoup cette idée radicale de la littérature. Car en choisissant d’écrire un polar, son premier du genre, l’auteur a eu le courage de se réinventer, imaginant Melchor, un anti-héros magnifique qu’on a hâte de retrouver. C’est Cercas lui-même qui nous le promet.

LA GUERRE D’ESPAGNE AU CŒUR DE TOUT. « Ici, il ne se passe jamais rien », dixit les habitants de Terra Alta, qui restent accrochés à leur terre de western, aride et isolée de tout. Mais « ici, tôt ou tard, tout s’explique par la guerre », rappelle l’épouse du héros. Et c’est dans cette Espagne hantée par son passé que Cercas nous livre son premier polar. Nouvelles règles de genre pour l’auteur, qui reste cependant fidèle à ses thèmes de prédilection. La profondeur historique. L’exploration de l’identité espagnole. La tentative d’élucidation de la période de guerre civile, espagnole mais aussi européenne. Une caractérisation très forte des personnages enfin.

UNE HISTOIRE DE RENAISSANCE. Melchor est un anti-héros proprement magnifique, capable du pire comme du meilleur. Un déraciné, né dans le bruit et la fureur, parti s’installer en rase campagne, au milieu d’un silence qui l’oppresse. Un personnage d’une grande noirceur, épris de vengeance, mais aussi doté d’un grand courage naturel, physique et moral. Un homme révolté qui sait tenir tête. Un personnage dont la complexité s’intensifie en parallèle de l’avancement de l’intrigue, laissant l’énigme première, qui est l’assassin, se doubler d’une question plus profonde, qui est le policier ?

LA LITTERATURE COMME ARME ET SALUT. Melchor renaît – littéralement – à la lecture des Misérables de Victor Hugo (quelle jolie idée) et cette œuvre immense devient sa bible. Elle lui sert de repère, de guide et d’interprète. Son héros à lui, c’est Javert, l’ennemi absolu de Valjean, qui inspirera sa vocation de flic, car finalement derrière sa grande noirceur, Javert représente la loi, seule défense des pauvres contre les riches et le pouvoir.

UNE CONSTRUCTION ROMANESQUE REMARQUABLE. Terra Alta évolue sur une narration conjuguée aux deux temps, passé et présent. Un yoyo temporel qui autorise une grande profondeur dans l’évolution des personnages, un éclaircissement progressif des histoires dans l’Histoire. L’auteur use, selon la temporalité, d’une écriture tantôt nerveuse tantôt plus langoureuse. Une vraie belle idée encore.

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Javier Cercas estime que tous ses romans sont des romans policiers dans la mesure où ils posent une énigme que quelqu’un veut déchiffrer. Dans la biblio sélective de Javier Cercas, on trouve :

Les Soldats de Salamine (2002) / Soldados de Salamina (2001). Énorme succès international, adapté au cinéma par David Trueba. Le livre porte déjà sur la guerre civile espagnole.

Les lois de la frontière (2014) / Las leyes de la frontera (2012). Il remporte le prestigieux Prix Méditerranée étranger en 2014 ainsi que le prix du Livre européen – catégorie fiction.

L’Imposteur (2015) / El impostor (2014) met en scène un personnage directement inspiré du syndicaliste catalan, Enric Marco, figure médiatique de l’Espagne post-franquiste.