LE TABLEAU DU PEINTRE JUIF, de Benoît Séverac

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Un Must
Secrets d'Histoire

Le pitch

« L’oncle et la tante de Stéphane vident leur appartement et lui proposent de venir récupérer quelques souvenirs :
« – Tu pourrais prendre le tableau du peintre juif. »
« – Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Quel peintre juif ? »
« – Celui que tes grands-parents ont caché́ dans leur grenier pendant la guerre. »

D’après une histoire de famille, l’auteur a imaginé cette histoire romanesque, ancrée dans le tumulte de la Seconde guerre mondiale. « Je me suis mis à imaginer une fiction dans laquelle le tableau vaut 100 000 euros et va changer l’histoire d’un gars de 52 ans qui est au tournant de sa vie. »

Pourquoi je vous le conseille ?

Car c’est un road movie émotionnel et sensible ; un roman initiatique autant qu’un passionnant document sur la Seconde guerre mondiale, les filières de la Résistance constituées à la frontière espagnole, le rôle de la milice, la spoliation des biens des juifs persécutés… Pour son approche naturaliste des comportements humains qui apporte un supplément d’émotion au récit. Parce que l’auteur s’est inspiré de sa propre histoire pour tricoter une fiction archi-documentée et écrire le roman familial de nos années noires. Pour l’attachement qui nous lie à ce tableau énigmatique qui devient fardeau menaçant avant de s’avérer planche de salut pour notre narrateur, homme ordinaire aux prises avec les secrets de l’Histoire.

DOULOUREUX MAIS NÉCESSAIRE. Que s’est-il vraiment passé dans les Cévennes, en 1943, pendant la fuite d’Eli Trudel et de sa femme ? Cette question va devenir existentielle pour notre narrateur au bout du scotch, Stéphane.  Sa vie part en sucette. II ne parle plus avec sa femme. Il est au chômage. Il a perdu le peu d’estime de soi qui lui restait. II hérite alors d’un tableau dont il sait juste qu’il a été peint par Eli Trudel, peintre juif caché par ses grands-parents durant la guerre. Stéphane devient animé par une idée fixe : faire reconnaître ses aïeux comme Justes par Yad Vashem, le centre international de la Shoah, à Jérusalem. En remontant le fil de son histoire familiale, Stéphane découvrira des pans plus ou moins glorieux de notre Histoire. Des fripouilles ayant succombé à la tentation du pillage et de la délation, dépossédant des familles traquées par les nazis de leurs entreprises et de leurs biens. Des héros ordinaires, passeurs ou simples particuliers, ayant risqué leurs vies pour en sauver beaucoup d’autres.  Le Tableau aborde en filigrane le thème des filières de résistants opérant dans la région du Sud-ouest pour faire passer en Espagne ceux qui fuyaient le régime de l’occupant nazi. Un détour qui nous rappelle la mascarade d’une neutralité franquiste face au Reich et à la France du maréchal Pétain. Une douloureuse leçon d’histoire.

POUR STÉPHANE, UN HÉROS ORDINAIRE ET ÉMOUVANT. Intrigues au caractère social affirmé, personnages au profil résolument ordinaire : telles sont les caractéristiques des romans du Toulousain d’adoption Benoît Séverac. Le Tableau Du Peintre Juif n’y échappe pas. Où Stéphane Milhas, homme ordinaire, un peu geignard, est confronté aux méandres tortueux de la Seconde guerre. S’extirpant de la banalité de son quotidien, riche de sa seule obstination, il parvient par son enquête à dépasser sa condition de cinquantenaire en pleine crise existentielle, victime de son époque, du destin, de l’accumulation de mauvais choix. Une enquête sur ses origines qui devient obsessionnelle.  Un hommage nécessaire au courage de ses aïeux en tant que preuve de sa propre dignité, reçue en héritage. Témoignage de cet acte de bravoure, il y a ce tableau accroché durant des décennies dans une modeste chambre à coucher avant de revenir à Stéphane. Un tableau qui au-delà de sa valeur marchande représente pour notre antihéros, parfois perdu, parfois désemparé, une véritable quête identitaire, indispensable à sa renaissance. Ce roman initiatique mené comme un road-movie nous fait avancer, voyager, d’un point A puis B puis C…. dans un cheminement intérieur émouvant, à rebondissements, et qui permet à notre antihéros de grandir. Ce n’est pas donné à tout le monde. Et c’est excessivement réconfortant.

UN ROMAN NATURALISTE ET ÉMOUVANT. « Je n’ai jamais eu de difficultés à utiliser le réel dans mes fictions. Ceci, d’ailleurs, leur confère un caractère très réaliste, d’autant que les thèmes que j’aborde et les péripéties que je fais vivre à mes personnages, ainsi que les décors dans lesquels je les fais évoluer, sont très documentés. » Benoît Séverac dans son interview sur Bepolar assume sa part documentaire. Une attention au réalisme indissociables de sa fiction. Au fil de l’aventure menée par Stéphane, le roman se révèle un passionnant document sur ce que furent les passeurs et les milices mais aussi sur le circuit des biens juifs spoliés et sur les gardiens de la mémoire que sont archivistes, historiens, journalistes, sans lesquels tout travail de réhabilitation serait impossible. Aussi l’auteur a-t-il voyagé et investigué avant de prendre la plume : au musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse, aux archives militaires d’Avila en Espagne, aux Archives générales de l’administration à Alcala de Henares près de Madrid, au mémorial de la Shoah à Jérusalem… Un roman linéaire par essence puisqu’il suit un voyage dans le temps et l’espace que l’auteur a lui-même effectué. Avec cette plume souvent bouleversante qui apporte une belle touche de sensibilité à cette enquête qui met en perspective les sombres secrets de notre Histoire.

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Le Tableau du peintre juif, inspiré d’une histoire familiale, est le 10ème roman du Toulousain Benoît Séverac. Auteur de romans et de nouvelles en littérature noire et policière adulte et jeunesse. Touche-à-tout, il a été guitariste-chanteur dans un groupe punk, comédien amateur, travailleur agricole saisonnier, gardien de brebis sur le Larzac, restaurateur de monuments funéraires, vendeur de produits régionaux de luxe, dégustateur de vins, conseiller municipal, clarinettiste dans un big band de jazz puis co-fondateur d’une fanfare rock-latino-jazz… Il est dégustateur agréé par le Comité Interprofessionnel des Vins d’Alsace. Un homme inspirant ! Biblio sélective

Premier roman, Les Chevelues, (2007, éd. Tme), a reçu le Grand Prix Littéraire de la ville de Toulouse 2008, le Prix de la ville de St-Lys, le Prix Calibre 47 du salon Polar’encontre 2009.

Dans la paisible cité de Lugdunum Convenarum, une vague de crimes ravive les haines et fait vaciller le fragile équilibre de la toute nouvelle Pax Romana. Au pied de l’actuel Saint-Bertrand-de-Comminges, dans la paisible civitas de Lugdunum Convenarum, une vague de crimes ravive les haines et fait vaciller le fragile équilibre de la toute nouvelle Pax Romana. Valerius Falco n’a que quelques jours pour mener son enquête avant l’arrivée de la légion romaine dépêchée de Tolosa.

Trafics (2017, Pocket). Toulouse, quartiers nord, écrasés par la fournaise de l’été, les trafics, l’ennui, le désespoir. Sergine Hollard est de garde dans sa clinique vétérinaire quand la jeune Samia vient la chercher en pleine nuit. Il y a un chien dans une cave de la cité, il est malade, il va mourir. Sergine doit le sauver, Sergine ne doit rien dire. Et contre toutes les règles de prudence, parce que Samia la touche, la vétérinaire accepte. De soigner un chien rempli de drogue appartenant à un caïd du quartier de la ville où la criminalité est la plus élevée, un quartier pris en étau entre rêves d’argent facile et rêves de djihad. Des rêves qui risquent de transformer la vie de Sergine en cauchemar.

Tuer le fils (2021, Pocket). Matthieu Fabas a tué parce qu’il voulait prouver qu’il était un homme. Un meurtre inutile, juste pour que son père arrête de le traiter comme un moins que rien. Verdict, 15 ans de prison. Le lendemain de sa libération, c’est le père de Matthieu qui est assassiné et le coupable semble tout désigné. Mais pourquoi Matthieu sacrifierait-il encore sa vie ? Pour l’inspecteur Cérisol chargé de l’enquête et pour ses hommes, cela ne colle pas.

Il a publié aux éditions Syros pour la jeunesse :

Silence (2011), Prix 2012 du Polar Jeunesse de Montigny-lès-Cormeilles (95), Prix 2012 de littérature jeunesse de Balma (31), Prix 2012 du salon de littérature jeunesse de Mirande (32), Prix du Polar lycéen d’Aubusson 2015, Prix 2013 des collégiens du Territoire de Belfort…

L’Homme-qui-dessine (2014), Little sister (2016) et participé à l’anthologie de nouvelles Hammett Détective (2015).

À découvrir ailleurs, dans la même ambiance

Monument Men, roman de Robert M. Edsel. Gallimard. Traduit de l’anglais par Marie Boudewyn.  À peine un pays conquis, les armées d’Hitler se livraient au pillage systématique des plus belles collections d’art – des familles juives entre autres – avec le projet de construire le plus extraordinaire des musées à Linz, sa ville natale. Dès 1941, Eisenhower crée un groupe d’experts (Les Monuments Men) afin de protéger les trésors américains. En 1944, ce groupe élargi à treize nationalités, composés de conservateurs, de professeurs d’histoire de l’art, d’architectes, d’archiviste va accompagner les armées de la libération afin de protéger le patrimoine architectural européen et de récupérer les milliers d’œuvres enlevées par les nazis. Robert Edsel a tout particulièrement suivi les aventures de neuf hommes et d’une femme. L’adaptation ciné par George Clooney est largement dispensable.

Inavouable, de Zygmunt Miloszewski. Fleuve éditions. 2017, traduit du polonais par Kamil Barbarski. Une version polonaise, contemporaine et surprenante de Monuments Men ! Zakopane, chaîne des Tatras, 26 décembre 1944. Un résistant serre contre lui un étui métallique. À ses oreilles résonnent encore les dernières instructions de l’officier nazi qui lui a confié  » le plus grand secret de cette guerre «