LA FACE NORD DU COEUR, de Dolores Redondo

Livre
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Un Must
Mystic River

Le pitch

Préquel de la « Trilogie du Baztàn » qui a fait la renommée de l’autrice basque espagnole. Où l’héroïne récurrente, Amaia Salazar, est ici une toute jeune sous-inspectrice détachée de la Police de Navarre, en formation de profileuse au siège du FBI à Quantico. Puis embringuée à la poursuite d’un tueur en série qui l’amènera jusqu’à la Nouvelle-Orléans, au moment du passage meurtrier de l’ouragan Katrina, à la fin de l’été 2005. Un récit méandreux d’une grande force romanesque où alternent réalisme de scènes apocalyptiques post-Katrina, rituels vaudous, chasse aux sorcières et souvenirs terrifiants d’une enfance maltraitée.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce que ce roman atmosphérique sombre et inquiétant, bercé aux croyances ancestrales, génère une fascination certaine (du moins pour les amateurs du genre). Car Dolorès Redondo sait faire coexister avec brio un réalisme cru avec des traditions millénaires, pour explorer la face sombre de l’âme humaine, la face nord du cœur. Pour Amaia, une survivante devenue guerrière, qui garde en stigmate de son enfance traumatisée un pied dans le monde des morts et l’autre dans celui des vivants. Car c’est un roman où l’autrice creuse le sillon de ses obsessions d’un mal tapi dans les familles, des non-dits et des faux-semblants, des mythologies ancrées dans les croyances populaires, qu’elles soient de France, de Navarre ou de Nouvelle Orléans.

UN CONTEXTE APOCALYPTIQUE D’UN GRAND RÉALISME. « Le jour s’était levé plusieurs heures plus tôt, et pourtant le ciel était aussi sombre qu’un lac profond. Il lui sembla distinguer au loin l’éclat d’un incendie, probablement une explosion de gaz. Elle vit passer le toit de plusieurs voitures flottant sur l’eau comme des tortues mortes.» La Nouvelle-Orléans dévastée, engloutie par les eaux lors du passage de l’ouragan Katrina, est un cadre dramatique d’une force incroyable pour ce récit aux relents de fin du monde. Où une population entière se trouve vouée au chaos, sans eau ni vivres ni soutien médical. Où des vies (surtout celle des moins nanties) basculent dans le néant au fil de scènes d’un réalisme cru qui fait froid dans le dos. Où la catastrophe naturelle sans équivalent créé les conditions propices pour qu’un tueur en série profite de ces situations de crise extrême où des hommes, femmes, enfants abandonnés à leur sort, se muent en proies faciles.  Une fresque saisissante où Dolores Redondo  nous embarque dans une enquête qui doit se débrouiller sans les moyens modernes brutalement fracassés. Sans ordinateur, ni labo d’analyse, ni aucun moyen de communication.

UN ROMAN ATMOSPHÉRIQUE NOURRI DE CROYANCES ANCESTRALES. Le contexte d’apocalypse posé, les traditions ancestrales et autres croyances millénaires se lovent au cœur de La Face Nord du Cœur, dans une narration qui opère un aller-retour permanent entre le passé et le présent. Un présent ancré dans le sud des Etats-Unis, une région nourrie par les rites vaudous des bayous, peuplée de guérisseurs d’âmes et de voleurs de cœur. Un passé traumatisant rapporté par notre héroïne, à partir d’une enfance passée dans cette région sombre et méconnue des Pyrénées navarraises : la vallée sauvage du Baztàn. Une quinzaine de villages enclavés, battus par des pluies incessantes, où des habitants taiseux sont tourmentés par une mythologie effrayante qui remonte à la nuit des temps, où le charme maléfique des traditions de sorcellerie ont façonné les esprits. Dans ce contexte doublement fantastique, la mort et le mal sont omniprésents et les défunts aussi réels que les vivants, réclament justice. Les forces obscures héritées du passé font écho à celles, bien réelles, nichées parmi les humains. Dolores Redondo joue en permanence de cette ambivalence entre légende et réalité, entre sciences criminelles et sciences occultes, pour un récit dramatique qui ne cesse de surprendre. Un pays où « il ne faut pas croire aux sorcières, mais il ne faut pas dire non plus qu’elles n’existent pas » comme la tante d’Amaia aime à le répéter.

UNE HEROÏNE BIGGER THAN LIFE. Amaia Salazar est à l’image, singulière, du pays qui l’a vue naître. Un personnage profondément ancré dans son territoire, éminemment sensible à sa culture et ses traditions bercées de maléfices et de sorcellerie. Un territoire qu’elle a cependant souhaité mettre à distance à l’issue d’une enfance traumatisée par la haine d’une mère et la lâcheté d’un père. Sous-inspectrice à la police florale de Navarre, Amaia est une guerrière guidée par une intuition et une perspicacité hors normes, nées de cet enfer qu’elle a traversé et qui lui a fait don de cette capacité à flairer la présence mal, où qu’il se trouve. Car elle a su créer un pont entre le monde réel et l’invisible, à l’image des traditions de son Pays basque espagnol dont elle est originaire où les morts et les démons ne sont jamais très loin. Grâce à cet héritage unique et rare, Dolores Redondo a réussi à imaginer un personnage de femme enquêtrice d’une grande profondeur qui est l’un des atouts maître de ses romans.

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La fiche

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La face nord du cœur est un préquel à la série « La Trilogie du Baztàn », véritable phénomène littéraire (+2 millions d’exemplaires vendus, une trentaine de traductions, une adaptation ciné) : Le Gardien invisible, traduit par Marianne Millon ; De chair et d’os, traduit par Anne Plantagenet ; Une offrande à la tempête, traduit par Judith Vernant ; Folio, « Policier ».

À découvrir ailleurs, dans la même ambiance

La série Treme (The Treme Song, 2010-2013 – 4 saisons – 36 épisodes). Série américaine sensible et profonde créée par David Simon. Où des musiciens, membres du même groupe, tentent de reconstruire leurs vies dans la Nouvelle Orléans post Ouragan Katrina.

La Valse des tulipes est le premier roman d’un autre auteur basque, Ibon Martin, dont l’intrigue se situe dans l’estuaire d’Urdabai, entre Guernica et les falaises de la mer Cantabrique. Si le récit rapporte une série de meurtres de femmes, le roman accorde surtout une large place à l’histoire et à la mythologie basques, de facto sujet principaux du livre.

Angel Heart (1987) d’Alan Parker. D’après le roman Le Sabbat dans Central Park de William Hjortsberg. Avec Mickey Rourke, Robert de Niro, Lisa Bonnet. Une enquête dans la Louisiane mystique et rituelle de 1955. Interdit -12 ans.

Rosemary’s Baby (1968) de Roman Polanski.  Avec Mia Farrow, John Cassavetes, Ruth Gordon. Film d’horreur mythique… Âmes sensibles (et femmes enceintes) s’abstenir.