THE GRAND BUDAPEST HOTEL, de Wes Anderson

Film
Bien
Très bien
Un Must
Agatha Christie en Europe de l’Est

Le pitch

Dans un palace alpin de la république Mittteleuropa d’opérette Zubrowka, dans les années 30. Les aventures rocambolesques de Zéro Moustafa, lobby boy, et de son mentor, Monsieur Gustave, concierge de son état. Lequel pousse le zèle jusqu’à se glisser entre les draps des plus vieilles clientes de l’hôtel pour rendre leurs séjours inoubliables. En retour, elles l’élisent comme leur grand amour, voire leur unique légataire. D’une peinture Renaissance inestimable par exemple. De là découleront quelques complications…

C’est réjouissant, délirant, émouvant, alors, ne boudons pas notre plaisir et suivons les aventures de ce petit groom ! Wes Anderson signe un tourbillon fictionnel d’une fraîcheur totale. D’une élégance absolue. De cet étourdissant mille-feuille émane une énergie, un mélange de pure fantaisie et d’ironie subrepticement morbide.  Où l’humour, qui l’emporte de peu sur l’émotion, agit comme un voile pudique d’une rare élégance. On frôle le chef-d’œuvre. Pour tous les enfants, de 7 à 77 ans.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car c’est une facétie ébouriffante d’espièglerie, d’humour pince sans rire et de rebondissements absurdes et jubilatoires. Parce que la légèreté de surface sert de vernis à une fable humaniste qui prône l’esprit de résistance contre les totalitarismes. Car c’est une variation hilarante, mélancolique et poignante sur la Vieille Europe, portée par un casting en état de grâce. Parce que l’univers esthétique de Wes Anderson est incomparable, riche de réminiscences, nimbé de cette poésie si singulière, de cette atmosphère drolatique et surannée. Pour l’excentricité, la folie douce, le dandysme exquis, et tous les autres remparts dérisoires érigés contre la brutalité en marche. Sans succès. Mais quel panache.

POUR L’UNIVERS EXTRAVAGANT DE WES ANDERSON. Petit, il voulait être architecte, construisait des maquettes et aimait jouer aux lego. Adulte, Wes Anderson a bâti une œuvre cinématographique à l’esthétique incomparable. La Vie aquatique, A bord du Darjeeling Limited, Fantastic Mr. Fox, Moonrise Kingdom... Avec The Grand Budapest Hotel, le cinéaste enchante une fois encore, créant un univers – absurde, comme il se doit – à la mesure de sa fantaisie. Des mondes colorés, aux couleurs pop et à la symétrie millimétrée. Un imaginaire unique et reconnaissable entre tous. Où chaque plan contient un nombre invraisemblable d’informations. Le vertige naît de ce luxe. La jubilation provient de cet excès en tout – meubles, costumes, gâteux, accessoires, tableaux, tapis, animaux empaillés… Dans ce monde d’avant-guerre décrit tout en couleurs chatoyantes, en rythmes trépidants, le récit se déploie comme un jeu de poupées russes, des surprises surgissant sans discontinuer des tiroirs, des bouches d’égout, des tunnels creusés à la fourchette, des boîtes à pâtisseries… L’histoire opère comme dans un album de Tintin, par virages brutaux, inopinés, légers comme l’air. Un personnage conduit à un autre, tous étant liés par M. Gustave, fabuleux concierge à l’élégance de dandy. Gentleman canaille incarné par un Ralph Fiennes impeccable.

UN CASTING EN ÉTAT DE GRÂCE. La distribution reflète l’ampleur de la palette de jeu de tous les grands comédiens impliqués dans ce récit gigogne. Le groom débutant Zero Moustafa, irrésistible freluquet interprété par un inconnu (Tony Revolori). Tilda Swinton en Madame D., richissime cliente de l’hôtel qui voue une passion si fiévreuse à Gustave qu’elle lui lègue « Le Garçon à la pomme », un de ses biens les plus précieux, à l’origine de la grande discorde. Car voici Gustave désigné à la vindicte des enfants de Madame D., une bande de dégénérés cupides, en cheville avec le nouveau régime fasciste, bien décidés à récupérer à l’héritage de leur mère. Emmenés par le redoutable Dimitri (Adrien Brody) flanqué de son homme de main, (Willem Dafoe), d’autant plus inquiétant qu’il porte sur le visage un air d’abruti fini. Harvey Keitel en chef de gang bonhomme sans un poil sur le caillou, parfaitement flippant. Tout le casting est à l’avenant et se tient remarquablement. Le moindre rôle, même de quelques secondes, étant tenu par un acteur chic et célèbre – Owen Wilson, Bill Murray, Léa Seydoux, Mathieu Amalric…

LA FIN D’UN MONDE.  Le film nous parle de fin de règne, des derniers miroitements d’un monde au bord de l’évanouissement.  De deuil d’un système de valeurs tenu jusqu’alors pour civilisation. On retrouve plus d’une fois les héros suspendus au-­dessus du vide : une traduction visuelle de ce qui les attend, eux et leur système. Car c’est annoncé dès le prologue : le célèbre Grand Budapest finira anéanti. L’imminence de la guerre et l’ombre du nazisme donnent une résonance par­ticulièrement émouvante à la futilité dandy du héros, Monsieur Gustave, qui veut croire que son extrême civilité est forcément contagieuse et peut vaincre toute forme d’adversité. Or son extrême politesse, son excentricité, le nuage de parfum qui l’entoure sont autant de digues dérisoires contre la brutalité en marche. Et cette civilité d’être avalée par la faillite d’une civilisation. Anderson ne semble pas loin de penser que les totalitarismes du XXème sont le résultat conjugué du manque de tact et de goût -architecturaux et vestimentaires – des hommes les plus douteux. Humour ! Et mise en garde pour qui se croit prémuni à jamais des dérapages politiques en direction des extrêmes.

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La fiche

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Couleur / noir et blanc :

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L’œuvre espiègle et fantaisiste de Wes Anderson est irrésistible. Filmo sélective.

Rushmore (1998) avec le duo Jason Schwartzman (18 ans) et Bill Murray (48 ans). Les mésaventures de Max Fischer, élève de la Rushmore Academy. Personnage hors normes, génie fougueux et brouillon, Max ne peut fournir qu’un minimum d’efforts à ses études et s’est résigné à devenir l’un des pires cancres de son établissement. En dépit de ses échecs scolaires et des admonestations répétées de son directeur, Rushmore n’en reste pas moins à ses yeux un paradis et un sanctuaire idéal pour exercer en toute liberté son inlassable créativité.

La Famille Tenenbaum (The Royal Tenenbaums, 2001). Avec Gene Hackman, Gwyneth Paltrow, Luke Wilson. Chez les Tenenbaum, les enfants ont toujours été des génies. Un jour, Etheline, leur mère, demande le divorce. Elle ne supporte plus le caractère égoïste de Royal Tenenbaum, son mari. Cette crise familiale a une influence négative sur le développement personnel de leur progéniture. Vingt ans plus tard, le père Tenenbaum annonce à ses enfants qu’il ne lui reste plus longtemps à vivre. Il souhaite se réconcilier avec eux et s’invite dans la maison familiale en prétextant une grave maladie.

La Vie aquatique (The Life Aquatic With Steve Zissou, 2003). Avec Bill Murray, Owen Wilson, Cate Blanchett. Steve Z., le chef de l’équipe océanographique « Team Zissou », sait que l’expédition qu’il conduit est sans doute la dernière, et son plus cher désir est de graver son nom dans l’Histoire. Parmi les membres de son équipe figurent Ned Plimpton, qui est peut-être – ou peut-être pas – son fils, Jane Winslett-Richardson, une journaliste enceinte dépêchée par le magazine Oceanographic Explorer, et Eleanor, sa femme, que l’on prétend être « le cerveau de la Team Zissou ». Tandis qu’ils affrontent tous les dangers, depuis une mutinerie jusqu’à l’attaque de pirates en passant par un « requin jaguar » plus ou moins imaginaire, Zissou est bien forcé d’admettre que tout ne peut pas être planifié comme il l’aimerait.

Les Berkman se séparent (The Squid and the Whale, 2006). Avec Jeff Daniels, Laura Linney, Jesse Eisenberg. New York, 1986. Il y a bien longtemps que les romans de Bernard n’ont plus de succès alors que sa femme Joan, qui écrit aussi, est en pleine ascension. Rien ne va plus entre eux. Ils ont décidé de divorcer. C’est une catastrophe pour leurs deux fils, Walt, 16 ans, et Frank, 12 ans, écartelés entre leurs parents. Entre tendresse et rage, entre remises en question et émotion, la famille va apprendre à se redéfinir.

 À bord du Darjeeling Limited (The Darjeeling Limited, 2009). Avec Owen Wilson, Adrien Brody, Jason Schwartzman. Trois frères qui ne se sont pas parlé depuis la mort de leur père décident de faire ensemble un grand voyage en train à travers l’Inde afin de renouer les liens d’autrefois. Pourtant, la « quête spirituelle » de Francis, Peter et Jack va vite dérailler, et ils se retrouvent seuls, perdus au milieu du désert avec onze valises, une imprimante, une machine à plastifier et beaucoup de comptes à régler avec la vie…

 Fantastic Mr. Fox (2010). Avec les voix de George Clooney, Meryl Streep, Jason Schwartzman. Dessin animé dès 10 ans. M. Fox, le plus rusé des voleurs de poules, sa femme, Mme Fox, Ash, son fils, le cousin Kristofferson et tous les autres animaux de la forêt défient trois odieux fermiers. Ils vont vivre la plus périlleuse et délirante des aventures.

 Moonrise Kingdom (2012). Avec Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray. Sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, au cœur de l’été 1965, Suzy et Sam, douze ans, tombent amoureux, concluent un pacte secret et s’enfuient ensemble. Alors que chacun se mobilise pour les retrouver, une violente tempête s’approche des côtes et va bouleverser davantage encore la vie de la communauté.

L’Île aux chiens (Isle Of Dogs, 2018). Dessin animé dès 10 ans. En raison d’une épidémie de grippe canine, le maire de Megasaki ordonne la mise en quarantaine de tous les chiens de la ville, envoyés sur une île qui devient alors l’Ile aux Chiens. Le jeune Atari, 12 ans, vole un avion et se rend sur l’île pour rechercher son fidèle compagnon, Spots. Aidé par une bande de cinq chiens intrépides et attachants, il découvre une conspiration qui menace la ville.

 

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Accidenttally Wes Anderson, de Wally Kova. L’imaginaire unique et reconnaissable de Wes Anderson a inspiré à Wally Koval l’idée de créer un compte instagram sur lequel les internautes partagent des clichés de lieux semblant tout droit sortis de l’oeuvre du cinéaste. Trois ans plus tard, en 2020, @accidentallywesanderson compte plus de 1,3 millions d’abonnés et plus d’un millier d’images. Son créateur publie alors un ouvrage du même nom présentant une sélection qui donne envie de parcourir le monde. Wes Anderson a lui-même écrit la préface de ce magnifique ouvrage. « Je comprends maintenant ce que veut dire être accidentellement Wes Anderson. Merci. Je ne suis pas sûr en revanche de comprendre ce que signifie être intentionnellement moi. »