SUR MES LÈVRES, de Jacques Audiard

Parce qu’on finit par s’attacher à ces deux marginaux, laids et magnifiques. Pour Emmanuelle Devos, une garce en puissance.  Parce que c’est le premier vrai succès et troisième film d’un auteur de polars parmi les plus doués de sa génération.

UN UNIVERS D’HOMMES DÉFAILLANTS. Audiard filme comme personne ces sociétés masculines dégénérées et d’une grande violence comme en témoignent ses films où les hommes s’affrontent et entretuent. On retiendra l’univers des anciens résistants dans Un héros très discret ; des truands et des délinquants dans Regarde les hommes tomber, Sur mes lèvres et Un prophète, des agents immobiliers dans De battre mon coeur s’est arrêté. « On me dit qu’il y a une empreinte du mâle chez moi. Mais non, ce sont des virilités défaillantes. » Alors que ses films se placent dans des univers virils, ce sont finalement les femmes qu’on remarque le plus. Sur mes lèvres n’échappe pas à ce constat où l’on voit Emmanuelle Devos muer, s’émanciper jusqu’à devenir sujet central du film.

GARCE FATALE. On parle d’une jeune femme plutôt moche, une secrétaire mal considérée dans une PME sordide, qui porte des prothèses auditives. Triste et solitaire, elle ne paie vraiment pas de mine. Puis arrive l’homme perturbateur, fruste et beau parleur, avec sa stachmou et sa gouaille. A son contact, cette jeune femme trouble va se métamorphoser pour devenir une garce de la pire espèce.

UN COUPLE IMPROBABLE. C’est la rencontre de deux êtres hors-normes, marginalisés. La godiche et le bellâtre.  Chacun va se servir de l’autre pour s’extraire de la misère. Entre eux, il y a du désir, pas vraiment de l’amour, mais c’est le mieux qu’ils puissent faire. La mise en scène de Jacques Audiard traque tous les moments d’intimité de ce couple de marginaux, en se plaçant au plus près des sons, des sens et des corps.