LE NOM DE LA ROSE, de Jean-Jacques Annaud

Film
Bien
Très bien
Un Must
Sherlock en sandalettes

Le pitch

En 1327, dans une abbaye bénédictine du nord de l’Italie, Guillaume de Baskerville et son disciple Adso de Melk tentent d’élucider une série de morts suspectes. Un monastère perché sur un éperon rocheux, une atmosphère sombre et brumeuse. Des cadavres qui s’accumulent. Ainsi sont réunis les ingrédients pour une intrigue policière efficace et la représentation d’un Moyen Âge fantasmé. En adaptant le bestseller (et premier roman) d’Umberto Eco, Jean-Jacques Annaud signe un polar médiéval à nul autre pareil, aux allures de whodunit  à la Conan Doyle ou Agatha Christie. Un coup de maître.

Pourquoi je vous le conseille ?

Parce qu’on n’avait jamais vu ça, une enquête en soutane et sandalettes, tout aussi érudite que distrayante. Car Sean Connery a eu la bonne idée de troquer le costume de James Bond contre la robe d’un moine franciscain pour habiter avec finesse ce thriller médiéval mâtiné de sémiologie. Pour la musique de James Horner et ses nappes synthétiques qui donnent une touche presque fantastique à l’ensemble. Car les acteurs sont au diapason de l’atmosphère crépusculaire : gueules patibulaires, âmes sombres, regards inquiétants. Pour tous les spectateurs, adolescents en 1986, pour qui la simple évocation de la belle sauvageonne aux cheveux gras – mais au corps de rêve – réveille sans doute des sensations plus ou moins avouables.

UNE ÉRUDITION ACCESSIBLE. Le Nom de la Rose est le premier roman d’Umberto Eco, un intellectuel italien surtout connu jusqu’alors des cercles universitaires pour ses recherches en sémiologie et en philosophie. Publié en 1980, le roman, lauréat du Prix Médicis étranger en 1982, s’est écoulé à plusieurs millions d’exemplaires. Eco est devenu une star. C’est qu’il a réussi le tour de force de s’amuser avec les codes du roman policier pour partager son érudition et réinventer le genre. Accouchant d’une œuvre qui permet bon nombre de digressions savantes sur une époque, ses interdits et ses croyances, tout en amusant son lecteur. Ainsi, sur une structure de thriller plutôt classique, Eco imagine un mobile 100% intello où des moines se déchirent pour la lecture du second tome de La Poétique d’Aristote. Une gageure : Le Nom de la rose superpose au récit policier une intrigue théologique et met en avant les querelles religieuses qui secouent la chrétienté au XIVe siècle. Dès lors, le film devient un outil pédagogique sur l’inquisition médiévale, les dogmes religieux en opposition, sans oublier la question de la transmission des savoirs hérités de l’Antiquité. S’instruire en s’amusant, what else? Il aura quand même fallu le talent de Jean-Jacques Annaud dont c’est le 4ème film pour élaguer au maximum les lignes d’un roman de 600 pages, rendre digeste ce qui ne l’est pas et batailler dur comme fer avec une réalité vieille de plusieurs siècles.

LE MOYEN-ÂGE, ENTRE FANTASME ET AUTHENTICITÉ. Le réalisateur s’est entouré de conseillers, spécialistes du Moyen-Âge – archéologues, historiens… – pour reconstituer ce monde disparu. Tonsures, charrettes, architectures, gestuelle, poteries, hygiène… rien n’est laissé au hasard tant Annaud redoute le cheap, le contresens. Et pour autant, c’est un âge médiéval fantasmé que l’on retrouve finalement, quitte à forcer le trait du misérabilisme. Car c’est avant tout une ambiance que le cinéaste cherche à recréer. À l’écran, l’aspect documentaire du Nom de la rose apparait bien secondaire dans ce tableau vivant à la Brueghel avec son festival de tronches et d’attitudes emphatiques. Le grotesque fait entièrement partie du décor, alors que le soin apporté à la reconstitution permet un équilibre des forces en présence et empêche de faire basculer le film du côté de la farce. On sait depuis John Ford que la légende est parfois préférable à la réalité. Annaud en fait ici une magnifique démonstration. « C’est là qu’un paradoxe, à mon avis, se loge dans l’adaptation cinématographique de Jean-Jacques Annaud, » souligne l’historien Simon Hasdenteufel « avec d’un côté un désir d’authenticité – ce pourquoi il a recouru à l’aide d’une équipe d’historiens chevronnés – et de l’autre, une interprétation très libre du Moyen Âge, avec ce projet artistique et esthétique d’appuyer sur son côté sombre et obscurantiste, avec des objectifs très contemporains. »

DES ACTEURS INOUBLIABLES. Jean-Jacques Annaud peuple son film d’acteurs qui redoublent de noirceur et d’étrangeté pour coller à sa représentation d’un Moyen Âge extrêmement sombre et obscurantiste. Il donne le premier rôle à Sean Connery. Un choix audacieux qui ne sera pas toujours bien reçu de l’autre côté de l’Atlantique, avant le tournage… trop has been pour beaucoup… Pourtant il incarne magnifiquement le frère franciscain Guilllaume de Baskerville, aussi rusé, humain, que fin lettré. Un homme moderne, ancien membre de l’Inquisition, Sherlock Holmes avant la lettre. Le rôle de l’abbé est confié à Michael Lonsdale, inquiet et onctueux. Le représentant de l’inquisition Bernado Gui, qui fera tout pour que les investigations du limier Franciscain n’aboutissent pas, est campé par l’inquiétant F. Murray Abraham. Il faut aussi réserver une mention spéciale à Christian Slater, 15 ans à l’époque, excellent de candeur dans la peau du novice Adso de Melk et à l’incroyable Ron Perlman, qui joue Salvatore, un moine polyglotte, glouton et sadomasochiste.

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La fiche

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Couleur / noir et blanc :

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Le Nom de la Rose est le quatrième film de JJ Annaud. Auteur à 19 ans d’un premier court métrage, il signe à partir de la fin des années 60 des centaines de spots publicitaires, avant de se lancer dans la réalisation de film.

La victoire en chantant, 1976. Avec Jean Carmet, Jacques Dufilho, Catherine Rouvel. Premier film et Oscar du meilleur film étranger. Quand en janvier 1915 les Français et les Allemands qui vivent aux confins du Cameroun et de l’Oubangui apprennent que leurs pays respectifs sont en guerre, leur sang ne fait qu’un tour. Et voilà la colonie française enrôlant de force des Africains affrontant la colonie allemande. Apres une première défaite, un fringant géographe, par ailleurs socialiste, prend en main la destinée de ses compatriotes.

Coup de tête, 1979. 1h32. Un succès populaire. Avec Patrick Dewaere, France Dougnac, Jean Bouise. François Perrin est ailier droit dans l’équipe de football de la petite ville de Trincamp. Seulement il a un sale caractère. Le président du club est également le patron de l’usine où il travaille. Après un coup de gueule, il est renvoyé du terrain et perd son emploi à l’usine. Et pour corser le tout, il est accusé d’un viol qu’il n’a pas commis. Mais l’équipe doit jouer en coupe de France et ne peut absolument pas se passer de Perrin.

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Le polar médiéval a connu depuis les années 80 une production très riche. Pas toujours de qualité… Quelques suggestions !

Nous commencerons par l’incontournable Ken Follet : Les Piliers de la Terre, 1990 (The Pillars of the Earth, 1989). Où dans l’Angleterre du XIIe siècle ravagée par la guerre et la famine, des êtres luttent pour s’assurer le pouvoir, la gloire, la sainteté, l’amour, ou simplement de quoi survivre. Abandonnant le monde de l’espionnage, Ken Follet, nous livre ici une œuvre monumentale dont l’intrigue, aux rebonds incessants, s’appuie sur un extraordinaire travail d’historien. Promené de pendaisons en meurtres, des forêts anglaises au cœur de l’Andalousie, de Tours à Saint-Denis, le lecteur se trouve irrésistiblement happé dans le tourbillon d’une superbe épopée romanesque.

Ellis Peters (1913-1995), romancière britannique, a imaginé la très bonne série des Cadfael, où un moine médiéval mène des enquêtes avec les moyens d’investigation de son temps.

Le Tableau du maître flamand (1993), d’Arturo Pérez-Reverte. Grand Prix de littérature policière. Traduit de l’espagnol par Jean-Pierre Quijano. Sur la toile, peinte il y a cinq siècles, un seigneur et un chevalier jouent aux échecs, observés depuis le fond par une femme en noir. Détail curieux : le peintre a exécuté ce tableau deux ans après la mort mystérieuse d’un des joueurs et a tracé l’inscription « Qui a pris le cavalier ?  » également traduisible par « Qui a tué le cavalier ? « Tout cela n’éveillerait que des passions de collectionneur si des morts violentes ne semblaient continuer la partie en suspens sur la toile.