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« Faire confiance aux honnêtes gens est le seul vrai risque des professions aventureuses. » Dit le Dabe (Jean Gabin) à propos du Cave (Maurice Biraud). Une réplique qui résume cette histoire de faux monnayeurs, de maisons closes désormais fermées et d’un coup de foudre amical entre un cave* et un truand. L’un des gros succès de Gilles Grangier – 2,8 millions de spectateurs en 1961, sans compter les nombreuses diffusions télévisées. Savoureux. À déguster en famille, dès 10 ans.
Parce que c’est un film qui rend heureux. Un classique du polar humoristique au rythme pépère où les truands sont irrésistibles. Car il symbolise l’aisance avec laquelle Grangier passait du film noir (Gas-oil, Le Désordre et la nuit…) à la comédie (Les Vieux de la vieille, La Cuisine au beurre…). Parce que la brochette d’acteurs est proprement incroyable. Car ce film sans prétention nous documente sur une certaine France populaire de l’après-guerre.
GRANGIER, SIMONIN, AUDIARD. « Dites-vous bien que dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c’est faciliter la réussite des médiocres. » Le Dabe s’adressant au Cave. Dans l’esprit des futurs Tontons flingueurs (Georges Lautner,1963), Le cave se rebiffe est un polar humoristique qui marqua le genre. Pour les amateurs, les répliques cinglantes d’Audiard, qui s’est mis au diapason de l’univers d’Albert Simonin, font mouche. Les péripéties de notre bande de caïds de seconde zone sont dopées par son argot fleuri reconnaissable entre mille, donnant naissance à de nombreuses formules inoubliables. Une langue cocasse et poétique dite avec délices par des comédiens au sommet de leur forme.
UN CASTING AU POIL. C’est bien sûr l’autre grand point fort de ce film : la brochette d’acteurs remarquables qui prennent un plaisir évident à jouer ensemble. Maurice Biraud est parfait dans son rôle de vrai faux pigeon. Jean Gabin, le Dabe, le patriarche, le patron, gabinise à merveille, toujours impérial en Seigneur un peu dur. Bernard Blier, mon chouchou, suave et dégoulinant à souhait. Alors bien sûr les rôles féminins sont aussi d’époque ; beaucoup de poitrine et peu de cervelle. Les « Mon petit », « poupée » et autres sobriquets dont elles sont affublées témoignent d’une misogynie datée qu’il faut accepter pour ce qu’elle est : une curiosité historique.
LA FRANCE POPULAIRE D’APRÈS-GUERRE. Gilles Grangier, réalisateur aussi prolifique que discret, conspué par la Nouvelle Vague, fut le témoin lucide et humble d’une France des petites gens aujourd’hui disparue. Le cave se rebiffe, comédie qui parodie la série noire, n’échappe pas à la règle. D’autres polars d’ambiance qu’il a tournés avec les plus grands, Gabin toujours (ami et acteur fétiche, douze films en commun), Blier ou Ventura, restituent une atmosphère à la Simenon où le quotidien sans grand éclat de Monsieur et Madame tout le monde, dérape. Cette exploration quasi-documentaire de la société qui fait la singularité de l’univers de Grangier, cinéaste-artisan pour qui faire un film était avant tout un métier, mérite qu’on s’y arrête aujourd’hui.
Titre original :
Le cave se rebiffe
Réalisation :
Gilles Grangier
Scénario :
Albert Simonin, d'après son roman éponyme, Gilles Grangier, Michel Audiard
Casting :
Jean Gabin, Bernard Blier, Maurice Biraud, Martine Carole, Frank Villard, Ginette Leclerc , Françoise Rosay.
Bande Originale :
Francis Lemarque , Michel Legrand
Nationalité :
Française
Langue de la VO :
Français
Année de sortie :
1961
Durée :
1h38
Couleur / noir et blanc :
Noir et blanc
Passé la Loire, c’est l’aventure – 50 ans de cinéma. Entretiens de Gilles Grangier avec François Guérif, Actes Sud avec l’Institut Lumière. Épuisé depuis longtemps, cet ouvrage restitue une série de discussions qui témoignent de la place du cinéma dans la culture populaire de l’après-guerre.
Michel Audiard – Albert Simonin (2021). Par Michel Audiard, Franck Lhomeau, Albert Simonin. Le Cave se rebiffe, Mélodie en sous-sol, Les Tontons flingueurs. Permet de suivre le cheminement des auteurs, du roman jusqu’au film abouti. Avec une approche critique instructive.
Filmographie sélective dans les polars réalisés par Gilles Grangier :
Adapté d’un roman d’Albert Simonin, Le Cave se rebiffe est le deuxième de la trilogie de Max le Menteur, qui se situe entre Touchez pas au grisbi et Grisbi or not Grisbi qui sera, lui, adapté sous le titre Les Tontons flingueurs. Becker joue avec brio la carte du polar très noir, alors que Grangier, imité ensuite par un Lautner qui lui en sera toujours reconnaissant, s’éloigne très nettement du roman initial pour inventer un genre à lui tout seul : le vrai-faux polar délirant.
Les tontons flingueurs (1963). Réalisé par Georges Lautner. Film culte, rien à ajouter. Avec Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche, Claude Rich, Jean Lefebvre, Robert Dalban, Pierre Bertin, Sabine Sinjen.
Touchez pas au Grisbi (1954). Réalisé par Jacques Becker. Magnifique film de truands vieillissants. Classique absolu. Avec Jean Gabin, René Dary, Lino Ventura.