GOST 111, de Mark Eacersall, Henri Scala, Marion Mousse

Parce qu’il existe assez peu de polars qui se placent du point de vue du mouchard. Car Goran n’est pas un truand dans l’âme et qu’on se demande ce qu’on aurait fait dans sa situation. Pour le réalisme de l’intrigue et la qualité du scénario, très bien servis par le dessin épuré de Marion Mousse qui va à l’essentiel.

HYPER RÉALISME. Ce premier roman graphique est signé par un duo de scénaristes composé de Mark Eacersall, issu de l’univers audiovisuel et d’Henri Scala, commissaire de police, écrivant sous pseudo. A la manière de La Balance (Bob Swain, 1982, ça ne nous rajeunit pas), l’idée initiale du duo était d’écrire un scénario sur un tonton pour l’audiovisuel qui finit par aboutir chez Glénat. Deux ans et demi de travail ont été nécessaires pour ficeler cette BD passionnante, très documentée, dont le réalisme va se nicher dans les moindres détails qui constituent la vie quotidienne d’un service de police. Un back office décrit au plus près de la réalité – lieux et environnement de bureau, manières de travailler, conversations entre collègues et avec les indics, échanges et rapports avec les magistrats… L’ensemble donne un roman graphique d’une réelle épaisseur et totalement crédible, à la mise en scène quasi cinématographique.

MONSIEUR TOUT LE MONDE. Goran, est un bon père de famille qui souhaite le meilleur pour sa fille. Un taiseux qui n’aspire qu’à une vie tranquille et sans trop de soucis matériels. Ce n’est pas un truand dans l’âme mais malheureusement pour lui, il a « une tête qui plait au malheur ». Alors de mauvais plans en décisions hasardeuses, il va finir par devenir indic. Avec sa candeur et sa bonne foi au démarrage de notre histoire, on se prend au jeu de se demander : qu’aurais-je fait à sa place ? Cette possible identification rend d’emblée le personnage attachant.

FUITE EN AVANT. Mais Goran comprend vite comment fonctionne le système, et comment en tirer le meilleur profit possible : en jouant sur tous les tableaux. Coincé entre truands et policiers, Goran bascule alors dans un monde de manipulations où le double jeu permanent qu’il doit adopter le laisse sous pression permanente et la peur au ventre.  La noirceur du récit vient de cette fuite en avant inéluctable qui parait vouer la vie de balance à l’échec. Où l’on apprend par ailleurs de quelle manière des commerces illégaux peuvent prospérer sous protection policière, dans la mesure où les informations en valent la peine. Un scénario instructif qui va à l’essentiel et une mise en scène quasi cinématrographique finissent d’emporter notre adhésion.